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des cours et acquérir des connaissances dans les cinq branches suivantes : droit, instruction militaire, instruction navale, génie civil et construction navale. C’est le premier pas d’une transformation dans le système d’éducation jusqu’à présent suivi.

La conséquence de ces essais ou, si l’on veut, de ces velléités de progrès, c’est que plus nous avancerons et plus la Chine prendra de force, plus aussi les relations avec elle deviendront importantes, et pourront conduire à des conflits redoutables. Nous répéterons donc que la France fera bien de se dégager en Chine de toutes charges inutiles, telles que protectorat de concessions dont elle n’a que faire et réclamations d’avantages commerciaux qui ne sauraient lui profiter ; nous croyons enfin qu’elle fera sagement de chercher pour l’œuvre des missions catholiques une condition d’existence préférable sous tous les points de vue à celle dont elle éprouve aujourd’hui les difficultés avec son protectorat. Elle devra être toujours juste dans sa politique, équitable dans ses procédés, et ne plus dire : Ce sont des Chinois, à quoi bon se gêner ? Il faut comprendre au contraire que l’on a devant soi un peuple qui n’oublie jamais les torts qu’on lui a faits. Ne perdons pas de vue que ce peuple a déjà subi trois guerres, dont l’une lui a imposé l’opium étranger et a développé la rébellion des taïpings, quand il faut remonter à bien des siècles pour trouver sur le sol de l’Europe l’invasion des hordes asiatiques. Ne perdons pas de vue non plus que les conquêtes de l’industrie, bateaux à vapeur, télégraphes, chemins de fer, ont rapproché de nous des pays perdus jadis dans le lointain, que Hongkong n’est qu’à quarante jours de Marseille, que Pékin sera peut-être plus tôt qu’on ne le croit à une dizaine de journées de Saint-Pétersbourg, et que ce dernier fait aurait pour conséquence probable de transporter l’action politique des peuples de la race blanche sur un théâtre dont la scène est encore confuse et peu étudiée.

La Chine et le Japon, une fois armés, amèneront sur les champs de bataille de cette partie de l’Asie des masses de combattans auxquels on n’a pas encore songé ; déjà les Russes, les Anglais, sont à leur poste sur les frontières du Thibet ou sur les rives du fleuve Amour ; l’Allemagne et l’Amérique se préparent à leur rôle en développant leurs intérêts dans cette partie du monde. La France, en face de ces éventualités, doit sortir d’un état de choses qui enchaîne sa politique, et l’engagerait dans une voie peut-être funeste.


PROSPER GIQUEL.