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directeur de l’école Turgot, réclamait que l’on ouvrît pour les jeunes filles des établissemens analogues à cette école. L’industrie profiterait singulièrement de cette propagande pour relever la destinée des femmes. S’il est une conviction qui ressorte de l’enquête sur l’enseignement professionnel, c’est qu’on ne forme plus d’apprentis dans les ateliers de la petite industrie ou qu’on les forme mal. Un document officiel, vieux de deux mois à peine et qui est dû à M. Gréard, directeur de l’enseignement primaire de la Seine, confirme pleinement sur ce point les rapports antérieurs. Notre siècle est trop pressé, il y a trop d’activité dans l’atelier commun, pour qu’on y puisse bien apprendre un état. Puis la division du travail est tellement grande, le morcellement de la main-d’œuvre si excessif, qu’un enfant peut rester des années dans nos ruches laborieuses sans parvenir à rien savoir. Nous sommes menacés de ce côté d’une véritable décadence ; en même temps que se perfectionnent les procédés scientifiques, il semble que les procédés artistiques soient menacés de se perdre. « L’industrie étant partagée en une infinité de spécialités, il faudrait une encyclopédie de modèles, disait le directeur d’une école de dessin à Paris. Les uns voudraient ne dessiner que tel genre, celui-ci le paysage, celui-là les fleurs, cet autre les animaux. On demanderait, comme cela m’est arrivé souvent, à ne dessiner que du gothique ou de la renaissance, du grec ou de l’égyptien. Il y a peu de temps, on m’a amené un élève pour dessiner du chinois ; on ne fait que cela chez mon patron, me dit l’élève. Les élèves, les parens, les patrons eux-mêmes, ne comprennent pas que c’est non le genre à la mode qu’il faut apprendre, mais ce qui mène à tous les genres. » Il en va de même pour presque tous les métiers. « Pour terminer les mouvemens de pendule qui viennent de fabrique, dit un autre déposant, un ouvrier fait l’emboîtage, un autre l’échappement, un troisième le remonté, et dans la plupart des cas aucun de ces ouvriers n’est capable d’exécuter ces trois opérations. Chacun d’eux s’intitule horloger et fait des apprentis ; on juge de la valeur de l’instruction professionnelle que ceux-ci reçoivent ! » Il est donc urgent de fonder des écoles d’apprentissage ; par elles, on pourrait encore développer en France des industries qui n’y ont pas assez d’importance. Dans l’enquête sur l’enseignement professionnel, plusieurs hommes distingués demandaient que l’on fondât des écoles pour l’horlogerie et pour les instrumens de précision : c’était le meilleur moyen, disait-on, d’arriver à lutter avec la Suisse. Or l’horlogerie peut avec grand avantage devenir une industrie féminine.

En dehors du commerce proprement dit et des arts industriels, il est d’autres débouchés que l’on peut ouvrir aux femmes. Les grandes administrations publiques par exemple ne les