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donc constituer des groupes plus simples qui répondent mieux aux conditions réelles des existences ouvrières.

Il y a d’abord les femmes dont on ne saurait dire au juste si elles sont ouvrières, servantes ou employées. Moins occupées à la fabrication qu’à la vente et au débit, elles donnent aux marchandises la dernière façon qui doit les faire valoir ; elles les ornent, les enveloppent, les présentent aux chalands, ou bien elles tiennent les écritures et font les comptes : classe immense dont la vie se passe tantôt dans des réduits enfumés au milieu de marchandises grossières, tantôt dans de fastueux salons décorés avec toutes les ressources du luxe parisien, — où l’on est en relations quotidiennes, ici avec le public affairé et besoigneux des quartiers commerçans et des classes laborieuses, là au contraire avec la foule oisive et élégante. Demoiselles de boutique, dames de comptoir, simples servantes, quelle que soit la diversité de leurs costumes ou de leurs manières, se ressemblent toutes par certaines aptitudes et certaines fonctions communes. C’est souvent la plus modestement vêtue, celle que l’on rencontre dans les boutiques les plus simples et qui fraie avec le public le plus humble, c’est souvent celle-là qui a la rémunération la plus élevée et la destinée la mieux assurée. Ainsi les femmes employées par les charcutiers sont mieux rétribuées que les élégantes demoiselles qui présentent et qui habillent avec tant de grâce les bonbons chez les confiseurs. La plupart de ces jeunes filles, vêtues et parlant comme de grandes dames, n’atteignent pas des salaires de plus de 2 fr. 50 cent, par jour, sans appoint de nourriture ou de logement ; parmi les 294 femmes recensées chez les confiseurs, l’enquête publiée en 1854 n’en signalait que 12 dont la rétribution fût de 3 francs ou plus. Cette classe d’ouvrières, d’employées et de servantes ne comprend pas moins de 12,000 personnes.

L’immense majorité des femmes occupées par l’industrie parisienne vivent du travail de l’aiguille. Parmi les 112,000 ouvrières recensées en 1847, plus de la moitié, soit 60,000, étaient couturières. La proportion ne paraît pas avoir notablement changé. Le groupe des industries du vêtement, à lui seul, d’après l’enquête publiée en 1864, comptait plus de 47,000 femmes. Il est vrai que beaucoup de ces ouvrières rangées dans le groupe du vêtement ne sont pas employées dans les travaux de couture, comme les blanchisseuses et les repasseuses, qui sont au nombre de près de 9,000. En revanche, les couseuses ne s’en tiennent pas au vêtement ; elles envahissent près de la moitié des autres industries : ameublement, peaux et cuirs, carrosserie, équipemens militaires, articles de Paris. Il serait difficile de fixer ce que peut gagner une femme avec son