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encore il est un grand nombre de métiers, spécialement féminins, où des procédés nouveaux venant à s’introduire sans que l’éducation des femmes se soit perfectionnée, le nombre des ouvrières se réduit quelquefois même dans des proportions considérables. On a remarqué par exemple qu’en 1860 les décorateurs de porcelaine employaient 458 femmes seulement au lieu de 1,010 qu’ils occupaient en 1847, et que les polisseurs et brunisseurs pour orfèvrerie ne comptaient que 279 ouvrières au lieu de 284. Cependant les affaires dans ces deux métiers avaient doublé ; mais un procédé nouveau, le procédé Dutertre, avait diminua l’emploi des femmes. D’un autre côté, beaucoup des industries féminines qui faisaient vivre à Paris un nombreux personnel ont dû reculer devant la concurrence des campagnes et surtout des ouvroirs de province. C’est ce qui1 est arrivé notamment pour la fabrication des corsets, qui n’employait en 1860 que 2,254 ouvriers des deux sexes, tandis qu’en 1847 elle donnait de l’ouvrage à 2,968. Enfin les industries féminines qui ont pris le plus grand développement sont loin d’avoir augmenté leur personnel dans la proportion où elles accroissaient leur chiffre d’affaires. Telle est l’industrie des fleurs artificielles, qui dans l’intervalle des deux enquêtes a triplé sa production, estimée en valeur, quoique le nombre des ouvrières ne s’y soit pas accru de plus de 23 pour 100, s’étant élevé de 5,720 à 7,0111. Par toutes ces raisons, en dépit de l’accroissement énorme du territoire et de la population de Paris, l’effectif des ouvrières de cette ville a cependant diminué. Il est remarquable que le nombre des ouvrières recensées dans la dernière enquête est à peine double de celui des femmes et des filles que secourt l’assistance publique. En effet, d’après un rapport de M. Husson qui date de 1864, l’on comptait 35,482 femmes adultes et 22,277 jeunes filles parmi les indigens à la charge de la bienfaisance municipale. Encore doit-on dire que l’enquête de la chambre de commerce publiée en 1864 compte parmi les ouvrières de véritables pauvres assistées qui ne font qu’un travail nominal, comme les 1,250 femmes employées dans la filature des indigens, qui presque toutes ne gagnaient pas plus de 40 à 60 centimes par jour.

La main-d’œuvre féminine régulièrement occupée dans les industries parisiennes est donc en décroissance. C’est un fait d’autant plus regrettable que la proportion des femmes qui n’ont aucun appui et qui doivent subvenir par elles-mêmes à leurs besoins est infiniment plus grande dans les vastes métropoles comme Paris que partout ailleurs. Sur 1,000 femmes au-dessus de quarante ans, 592 seulement à Paris sont mariées, 264 sont célibataires et les autres veuves ; c’est donc un peu plus des deux cinquièmes des femmes au-dessus de quarante ans qui se trouvent abandonnées à