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malgré les profondes répugnances d’une multitude de prêtres et de laïques. Cette protestation, qui parut en latin et en hollandais, fut traduite dans toutes les langues, et apprit à bien des gens qui l’avaient oublié qu’il existait encore une église catholique refusant d’accepter la dictature pontificale. Le concile du Vatican vint lui rendre un bien plus grand service. Tout le monde sait aujourd’hui que le procès n’est pas fini, que les protestations augmentent tous les jours de nombre et d’énergie, que l’avenir du catholicisme est impliqué dans le puissant mouvement de réaction suscité par des décrets dont en bien des lieux les catholiques les plus éclairés et les plus fervens contestent la validité.

Toutefois une circonstance grave, à laquelle nous avons déjà fait allusion, pourrait enrayer le mouvement et ne laisser aux anciens-catholiques que l’alternative d’une rupture formelle avec le catholicisme ou d’une soumission contraire à leur conscience : c’est que le corps épiscopal tout entier paraît décidé ou résigné à soutenir la doctrine de l’infaillibilité papale. La fière église gallicane elle-même n’a plus de voix attitrée pour revendiquer ses traditions d’indépendance. Bossuet n’a pas trouvé un seul défenseur hardi et persévérant parmi ses successeurs. On a vu les chefs eux-mêmes de l’opposition dans le dernier concile donner l’un après l’autre l’exemple de capituler. A quoi sert-il, dira-t-on, que des voix éloquentes, comme celles de l’abbé Loyson en France, des professeurs Dœllinger et Friederich en Allemagne, s’élèvent pour affirmer le bon droit de l’ancien catholicisme contre les innovations décrétées au Vatican ? La religion catholique ne se compose pas seulement d’une somme de doctrines ; elle est aussi, elle est surtout, peut-on dire, une manière de constituer la communion de l’homme avec Dieu par l’intermédiaire d’un sacerdoce organisé, dont les membres se transmettent successivement, sans interruption, les pouvoirs divins qu’ils tiennent originairement du Christ lui-même. Que peuvent des voix isolées de prêtres ou de savans, quelle que soit leur valeur personnelle, contre les impérieuses exigences de la vie catholique ? Ne faut-il pas que des évêques confirment les jeunes fidèles, consacrent les saintes huiles, ordonnent les jeunes prêtres ? Peut-on les suppléer canoniquement dans l’exercice de ces fonctions nécessaires au salut des âmes ? Les anti-infaillibilistes auront beau faire, leur protestation se brisera impuissante contre le fait inéluctable qu’on ne peut pas se passer de l’épiscopat pour vivre catholiquement, et que l’épiscopat tout entier est désormais rangé sous la bannière de l’infaillibilité.

Ce raisonnement, tout fort qu’il paraisse, pourrait bien être détruit par un simple détail au premier abord très insignifiant, savoir