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beaucoup de communautés catholiques qui subsistaient au sein de la majorité réformée n’avaient point de prêtres. Les jésuites offrirent ou imposèrent alors des services qu’il eût été bien difficile de refuser ; les évêques néerlandais consentirent à les utiliser temporairement. Ils ne tardèrent pas à se repentir de leur condescendance. Les jésuites furent épiés, reconnus, pris en flagrant délit de conspiration espagnole ; de plus les évêques s’aperçurent bientôt que leur autorité épiscopale était minée par les cheminemens souterrains de ces alliés compromettans qui les dépeignaient à leurs ouailles comme des calvinistes déguisés. Les choses allèrent si loin que l’archevêque Rovenius se vit forcé de faire le voyage de Rome et de les dénoncer comme les plus dangereux ennemis de l’église catholique aux Pays-Bas. De leur côté, les jésuites avaient aussi dressé leurs batteries. Déjà ils avaient tâché de démontrer à Rome que, dans l’état où se trouvait l’église néerlandaise, il était inutile d’y maintenir des évêques, que dans l’intérêt de la cause catholique en général. il vaudrait mieux instituer dans la contrée, comme en terre païenne, une mission que le saint-père confierait à ses délégués immédiats ; ces délégués, dans leur esprit, ne pouvaient être qu’eux-mêmes.

Ainsi se déclara une lutte à outrance entre l’épiscopat néerlandais, sorti bien affaibli, mais encore debout, de la grande crise réformatrice, et la puissante congrégation. Vainement Urbain VIII, sous le coup des énergiques remontrances de Rovenius, ordonna aux jésuites plus de modération. Ces ordres n’eurent que peu d’effet. De plus la mauvaise étoile de l’épiscopat d’Utrecht voulut qu’une arme des plus dangereuses fût fournie par Rovenius lui-même aux ennemis jurés de son siège. Nous avons dit qu’antérieurement à la réforme la doctrine de la grâce avait été particulièrement goûtée par le clergé et les fidèles des Pays-Bas. C’était le temps où les théories relatives à ce dogme partageaient, passionnaient même les théologiens de profession, mais où l’église autorisait, au moins par son silence, de grandes diversités de vues sur ce problème obscur. Il n’en fut pas toujours ainsi. A Rome, où l’augustinisme fut rarement en faveur, on n’avait pas tardé à s’apercevoir que le mysticisme, quand il se nourrit de cette doctrine augustinienne, peut bien rester catholique d’intention, mais en fait dérive insensiblement vers les régions qui confinent au calvinisme. Telle est la raison qui depuis la réforme empêcha la papauté de laisser les idées jansénistes ou, pour mieux dire, augustiniennes se répandre librement dans l’église. Or l’archevêque Rovenius, ami d’études de Jansénius, demeuré fort attaché à cet homme excellent, n’avait vu que du bien dans le fameux Augustinus du pieux professeur de Louvain. Il l’avait recommandé,