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exalté de Marie, les pompes théâtrales, étaient combattues par l’épiscopat national comme autant d’innovations pernicieuses ; mais, notons-le bien, c’est surtout comme innovations qu’elles étaient repoussées. Au fond, ce clergé était éminemment conservateur. Il luttait avec une extrême énergie contre le protestantisme envahissant, et il avait accepté avec une entière soumission les décrets du concile de Trente.

Les événemens se précipitaient. En dépit de persécutions atroces, le protestantisme levait toujours plus la tête. Les provinces, exaspérées par la tyrannie politique et religieuse du roi d’Espagne, avaient pris les armes au nom de leurs droits méconnus. Guillaume le Taciturne commençait sa grande épopée. Quelque temps réduit à l’impuissance par les succès militaires du duc d’Albe, il avait vu la fortune sourire de nouveau à son indomptable persévérance. Les gueux de mer, ces derniers défenseurs de la cause nationale, à l’heure où tout semblait perdu, avaient surpris le petit port de la Brille (1er avril 1572), et de là l’insurrection s’était. réveillée sur toute la surface du pays. Une guerre acharnée s’ensuivit, marquée par des combats sans nombre, des sièges qui font époque dans l’histoire, des cruautés qui font frémir, mais aussi par la consolidation croissante de l’œuvre qu’avaient entreprise Guillaume et l’énergique population rangée sous sa bannière libératrice. En 1579, l’Union d’Utrecht constitua définitivement la république des Provinces-Unies en lui donnant une charte fondamentale. La lutte était pourtant loin d’être finie. Elle a duré, à vrai dire, jusqu’en 1648, mais avec des interruptions et des trêves dont la jeune république sortait toujours plus affermie.

Ce fut un temps de rudes épreuves pour le catholicisme néerlandais. A l’origine de ce grand conflit, il importe de le remarquer, les griefs politiques contre l’Espagne étaient au moins aussi forts que les antipathies religieuses. La preuve en est que les provinces du sud, où le protestantisme resta toujours en minorité, furent les premières à donner le signal de la résistance. Plus tard encore, les odieuses mesures fiscales du duc d’Albe furent, nous ne dirons pas la cause, mais l’occasion déterminante de l’insurrection générale. Catholiques et protestans joignirent alors leurs efforts contre la tyrannie qui violait les droits jurés. Dans un moment de fanatisme délirant, d’aberration colossale, Philippe II n’avait-il pas condamné à mort tous les habitans des provinces sans distinction de rang, d’âge ou de religion ! Le parti national ne faisait pas la guerre au nom d’une église, il avait inscrit simplement la liberté de conscience sur son programme religieux, et ce sera l’éternel honneur du Taciturne d’avoir, autant qu’il dépendait de lui, préservé