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efforts devait, au sein des masses catholiques, rendre la vie aux anciens fermens d’indépendance relative, gallicanisme, jansénisme, épiscopalisme, dont elle se croyait à jamais-délivrée. Ces tendances, que nous appellerons constitutionnelles pour les distinguer de l’absolutisme ultramontain, semblaient, il est vrai, devoir se briser contre le fanatisme des uns et l’indifférence des autres ; mais elles n’allaient pas tarder à se voir appuyées par le sentiment désormais très vif de l’incompatibilité entre le catholicisme défini par le Syllabus, décrété par le dernier concile, et les nécessités les plus impérieuses de la société contemporaine.

On ne saurait assister sans intérêt aux premières manifestations du mouvement, — dirons-nous réformiste ou réactionnaire, il mériterait à la fois les deux épithètes, — qui agite l’église catholique, et qui, sans rejeter le catholicisme en principe, vise à le rendre supportable aux peuples modernes en le purifiant des exagérations ultramontaines ; mais jusqu’à quel point cette réforme intérieure est-elle possible ? Le principe du catholicisme, c’est l’autorité souveraine de l’église, plus spécialement celle du clergé, son seul organe légitime, plus spécialement encore celle de la collectivité des évêques, dépositaires des traditions et des pouvoirs sacerdotaux, seuls habiles à les transmettre par voie d’ordination régulière. La papauté a si bien fait que le corps épiscopal n’est plus que l’ensemble des délégués ou des préfets du pape ; il a échangé son ancienne indépendance contre cette position subalterne en vertu d’un décret rendu par lui-même et ratifié plus tard par la soumission de la minorité récalcitrante. Sur quoi donc s’appuyer pour tenter la réforme désirée sans tomber dans l’hérésie ? Où trouver en dehors de l’épiscopat régulier cette transmission de l’autorité divine qui seule fait le prêtre capable d’enseigner et d’absoudre de jure ? Et si l’on prétend s’en passer, n’est-on pas dès lors entraîné fatalement vers un nouveau protestantisme ? Peut-être la nécessité fera-t-elle surgir des ressources que l’on ne saurait définir d’avance ; peut-être, certaines éventualités venant à se réaliser, — par exemple l’avènement d’un autre pape, — l’épiscopat se retrouverait-il moins unanime dans son abdication volontaire ou forcée. Les mouvemens religieux ne se piquent pas toujours d’une logique parfaite, on serait même tenté parfois de penser que c’est ce dont ils se soucient le moins ; mais de nos jours, où l’enthousiasme religieux est rare, il est désirable qu’une certaine correction préside aux essais de réforme. Au moins accordera-t-on que les chances d’avortement de l’agitation actuelle seraient bien moindres, si elle pouvait se rattacher à tout le passé catholique par une filiation dont l’opinion ultramontaine pourrait seule contester la légitimité.