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législation. Le parlement, qui a donné à l’église ses dogmes, sa constitution, ses privilèges, sa richesse, peut modifier son ouvrage. Il a déjà défait l’établissement de l’église anglicane d’Irlande, et remis cette église dans le droit commun. Il n’y a aucun doute qu’il pourrait délier un à un en Angleterre même les liens qui rattachent l’église à l’état.

Pour ce qui est de l’administration, on ne peut pas dire qu’elle soit tout entière dans le parlement, car les comtés, les villes, les paroisses, ont des pouvoirs administratifs très étendus ; mais il n’y a rien pour ainsi dire entre le parlement et cette multitude de corps isolés, indépendans et sans cohésion. Il n’y a pas de grands corps administratifs tout-puissans, formant une sorte d’état dans l’état. L’administration ne se sépare pas nettement de la politique. Si l’on réduisait le cabinet aux ministères purement politiques, on ne laisserait pas assez de place à l’ambition des partis, on ne saurait plus comment récompenser les services rendus dans l’opposition ; les autres ministères sont les premiers échelons sur lesquels se hissent les jeunes talens, les réputations nouvelles. En face de cabinets réduits à un petit nombre d’hommes indispensables s’élèverait une administration savante placée au-dessus des orages de la politique, bien plus préoccupée d’échapper au contrôle de la chambre des communes le jour où ses chefs n’appartiendraient plus au parlement ; en ce moment, ceux-ci servent de lien vivant entre les volontés changeantes de la nation et cette volonté tenace et traditionnelle qui s’enracine toujours dans les bureaucraties.

Faire paraître à côté des ministres des directeurs placés à la tête des grandes administrations répugnerait à l’esprit du parlement anglais. Ces personnages, habitués au respect, au silence des bureaux, seraient emportés comme des feuilles mortes dans les orages des communes. Leur éloquence technique reculerait devant la dialectique aisée, devant les sarcasmes des gladiateurs oratoires. Ils détesteraient la chambre, qui les mépriserait. Les ministres, dont le sort est toujours incertain, les sacrifieraient sans pitié. C’est à conjurer à temps les colères de la chambre que servent surtout les petits ministres. Vrais souffre-douleurs, ils couvrent à la fois le ministère et les administrations. Quand on fit la grande réforme de la loi des pauvres, on essaya de confier la direction de l’assistance, publique à une commission purement administrative. Les « trois rois de Somerset-house » n’eurent qu’un règne assez court ; ils avaient dans le parlement beaucoup d’ennemis et pas un défenseur officiel. La commission fut dissoute, et c’est un ministre aujourd’hui qui dirige ce département.

On n’entend point parler en Angleterre de « l’administration »