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communes. L’esprit de réforme y trouve ses instrument dans des partis parfaitement organisés, qui se remplacent au pouvoir comme des ouvriers qui descendent les uns après les autres dans une mine. Cette chambre reste encore aujourd’hui le modèle des assemblées politiques ; son président a la gravité et l’impartialité d’un juge. Elle n’a pas de règlement écrit ; des précédens séculaires lui servent de loi. Elle connaît le prix du temps. Sa besogne est énorme, car elle gouverne le plus vaste empire du monde. Comparez-la à tant d’autres assemblées où l’on agit d’autant moins qu’on par le davantage, où des journées entières sont données à de vaines paroles, à des discussions théoriques, à des querelles ! Dans les pays novices, les assemblées, surtout à leurs débuts, ne savent comment user de leur force ; elles discourent, s’embourbent dans la rhétorique ; elles ressemblent à une armée qui ne saurait point manœuvrer, et qui remuerait sans pouvoir se mettre en ligne. Des règlemens compliqués, les discussions et les intrigues des bureaux, les rapports, dévorent son temps. En Angleterre, l’action parlementaire est plus virile ; toute proposition arrive directement à la chambre, elle est toujours défendue, et à chaque lecture, par son propre auteur, elle ne passe point par la nuit des bureaux pour revenir transfigurée dans un rapport théâtral ; elle s’adresse à un gouvernement, à une chambre, préparés à toutes les discussions, à des partis qui savent prendre une décision et ne sont pas réduits à se chercher eux-mêmes. La fonction parlementaire ressemble moins à un rôle. Il n’y a point dans toute discussion une part secrète et une part publique. Les clubs servent bien d’antichambre au parlement ; on y discute, on s’y prépare aux discussions, on s’y concerte. Dans les occasions solennelles, les chefs des partis appellent autour d’eux leurs adhérens dans leurs propres demeures ; mais tous les grands débats qui s’ouvrent devant les communes n’en ont pas moins quelque chose de direct, de spontané. Les partis n’ont pas besoin d’apprendre leur leçon.

Recrutée en majeure partie dans la caste aristocratique, la chambre a des allures très républicaines. Le crédit d’un député ne tient ni à son nom, ni à sa richesse ; il n’est dû qu’au talent, ou plus encore au caractère. Nulle servilité ; on sent une sorte d’égalité politique pareille à l’égalité sociale qui relie tous les gentlemen. La chambre ne donne pas volontiers « son oreille ; » mais elle ne la refuse jamais à un serviteur éprouvé de la nation ou à un débutant. Après le lord, le député est ce qu’il y a de plus élevé dans le pays. Quelle dignité dépasse celle du législateur ? Il ne faut point s’étonner si les parvenus ouvrent avec une clé d’or les portes de Westminster. Membre du parlement, le nouveau riche va de pair avec tout le monde, il