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c’est-à-dire du petit roi au grand trône, ce qui était particulièrement flatteur pour la nation écossaise ; mais cette union même eut des périodes diverses avant de devenir un amalgame définitif. De 1603 à 1688, les deux peuples vécurent côte à côte, comme fédérés, sous le même roi, mais avec des lois, une administration, un parlement différens. Les Anglais furent assez sages pour accorder droit de cité à tous les Écossais nés et à naître après 1603. Les Écossais eurent la courtoisie d’accorder aux Anglais la réciproque, sans pouvoir se flatter de leur avoir rendu la pareille. Un jugement prononcé par les tribunaux, en tranchant cette question, fit plus pour l’union des deux pays que le roi et les chambres. Les Anglais se conduisaient toujours en ceci comme des hommes intelligens qui ne refusaient aucun sacrifice en vue d’une bonne affaire.

Quand le parlement anglais se souleva contre Charles Ier, s’il fut secondé par les Écossais, ce n’est pas que les deux nations fussent désormais unies de sentimens, — l’œuvre de la fusion n’était pas si avancée ; sous l’annexion politique, la nationalité survivait encore. L’Ecosse presbytérienne favorisait l’opposition aux tendances catholiques de Charles Ier. Quand Charles Ier fut livré aux parlementaires par l’armée écossaise, ce n’est pas que celle-ci voulût sa perte ; elle ne l’abandonnait pas pour de l’argent à ses ennemis ; ce ne sont pas les parlementaires qui devaient faire trancher la tête au malheureux prince. D’ailleurs les Écossais n’étaient pas des amis auprès desquels le roi s’était réfugié ; ils ne le défendaient pas, ils le gardaient comme un gage, et ils le remirent entre les mains du parlement quand celui-ci eut payé leur solde et les eut licenciés. Cette conduite n’était pas une preuve d’héroïsme ni même de générosité ; ce n’était pas non plus une trahison de Judas. Quand Cromwell et la faction des indépendans eurent commis le régicide, l’Ecosse ne se crut pas obligée de suivre l’Angleterre dans la révolution où elle s’engageait. Elle proclama Charles II en prenant des garanties, et le fils des Stuarts reconnut le covenant. Quand ce prince fut battu par Cromwell, les Écossais soumis par la force se regardèrent comme un peuple conquis, ainsi qu’une grande partie de l’Angleterre, et attendirent la restauration.

Les persécutions et les supplices préparèrent les deux peuples à se lier plus étroitement contre la dynastie des Stuarts, lorsqu’elle eut prouvé que la réunion des deux royaumes n’avait fait que la rendre plus despotique, et les souffrances de la révolution plus ombrageuse. Une nouvelle faute des catholiques du continent fit présager la ruine de cette maison : la Saint-Barthélémy, au siècle précédent, avait porté un coup fatal à Marie ; la révocation de l’édit de Nantes acheva la perte de sa famille. L’Angleterre et l’Ecosse furent averties du sort qui les attendait avec des princes formés à l’école de Louis XIV. L’Ecosse ne vit qu’un petit nombre de réfugiés, une colonie qui vint fonder dans