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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 avril 1872.

La France n’est point certainement au bout des épreuves qui sont la douloureuse conséquence des ébranlemens qu’elle a subis ; elle commence seulement à se reconnaître et à reprendre un certain équilibre : elle se dégoûte des sauveurs qui l’ont perdue, des mauvais médecins qui n’ont fait qu’aggraver son mal, des excitations qui l’ont épuisée, des déclamations qui l’ont trompée. La France en vient peu à peu à comprendre que pour elle, dans la situation qui lui a été faite, la meilleure politique c’est encore de se conduire avec bon sens, de se défendre des mouvemens de passion et d’irréflexion, et comme pour le moment, sans avoir des illusions démesurées, elle se trouve mieux qu’elle n’a été depuis assez longtemps, elle n’éprouve pas le besoin d’être remuée ou inquiétée sur son lendemain. Être tout simplement une nation qui sent ses malheurs, qui cherche à se ressaisir elle-même, qui avec tout cela garde la fierté d’un grand peuple toujours assuré de se faire respecter, n’est-ce donc rien ? La France a aujourd’hui cet instinct que, pour résoudre tous les problèmes que de déplorables événemens lui ont légués, elle a besoin d’appeler à son aide le temps, le calme, la bonne volonté de tous, la raison prévoyante et pratique, et c’est surtout pour maintenir sa dignité extérieure qu’elle est tenue de s’attacher à une politique qui peut se résumer en deux mots : une modération exemplaire et une tranquille fermeté.

Que la France s’enferme systématiquement, résolument dans cette politique, elle retrouvera sans effort son rôle naturel, elle sera inexpugnable contre les mauvais vouloirs, s’il y en avait ; elle a bien moins encore à s’émouvoir des mauvais bruits que les nouvellistes se font un jeu de répandre de temps à autre sur ses relations avec l’Allemagne. L’Europe est aujourd’hui en proie aux agitateurs de la plume, dont les événemens ont développé l’imagination, et qui se complaisent à dérouler