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les recueillir. Voilà ce que nous ont appris les patientes études poursuivies dans les huîtrières du gouvernement créées à l’instigation de M. Coste.

Il y a un de ces établissemens dans la baie de Laforêt, non loin de Concarneau. L’état l’administre. Nous laissons à penser si pendant la terrible année de nos désastres on s’occupa de l’huîtrière, qui fut complètement abandonnée à elle-même, et cependant elle subsiste ; on a encore vendu l’an dernier plus de milliers d’huîtres qu’il ne fallait pour couvrir les frais d’exploitation. Tout au plus n’aura-t-on pas de récolte l’année prochaine, si l’ensemencement s’est mal fait en 1870. Les bénéfices que rapporte depuis bientôt dix ans l’huîtrière de Laforêt[1] ont profité pour une large part aux pêcheurs peu aisés du quartier maritime de Quimper : quand la barque, les engins, qui sont toute leur fortune, subissent des avaries ou sont perdus à la mer, le bureau de la marine leur vient en aide avec ces fonds. L’huîtrière joue de la sorte un petit rôle social au milieu de cette laborieuse population, où la misère, grâce à ces secours, est à peu près inconnue.

L’industrie privée n’a pas hésité à se lancer dans une exploitation qui ne demande, pour être lucrative, qu’un choix judicieux de l’emplacement. Pas plus qu’un. arbre ou une plante quelconque, l’huître ne prospère sur toute espèce de terrain, ainsi qu’on semble quelquefois le croire en demandant à la nature plus que force. L’huître se nourrit d’animalcules microscopiques, il faut donc que les eaux où on veut l’exploiter en soient abondamment pourvues ; il faut que le sol de l’huîtrière découvre à marée basse, afin de permettre l’exploitation réglée, mais qu’il ne découvre pas trop longtemps, parce qu’alors le soleil ou la pluie feraient mourir les huîtres ; il faut que ce rivage ne soit point exposé à être recouvert de sable ou de galet par les fortes mers. Il y a ainsi une série de conditions que nous trouvons onéreuses, on ne sait pourquoi, quand il s’agit des huîtres, et qui existent cependant pour toute espèce de culture au monde. les difficultés sont telles que l’obstination britannique n’a pu encore les surmonter ; la côte anglaise est restée

  1. Voici, d’après les documens officiels, les chiffres des dernières ventes aux enchères faites par les soins du gouvernement :
    26 avril 1867 130,000 huîtres vendues 4,628 fr.
    12 septembre 1868 100,000 7,560 fr.
    16 novembre 1869 150,000 12,150 fr.
    11 septembre 1871 100,000 7,100 fr.


    On remarquera la progression croissante du prix de vente pendant la période 1867-69 ; après la guerre, le parc, abandonné à lui-même, mais préservé du braconnage, put encore fournir un revenu de 7,000 francs, supérieur aux frais d’entretien et d’amortissement.