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plus sont de vrais commerçans ; les autres, ou bien dépendent de la police et des services de l’administration municipale, ou ne sont qu’à l’état de passage et ne forment qu’un groupe flottant. La majeure partie des maisons de commerce françaises n’est même pas établie sur notre concession ; elle est dispersée sur les terrains voisins, où l’on est plus près des banques et où l’on trouve un plus grand choix d’immeubles. Il est donc permis d’affirmer que la concession est sans importance pour nos intérêts commerciaux, et nous ne sommes que pour une faible part dans le mouvement assez considérable d’affaires qu’on peut y signaler. Nous y avons, il est vrai, des intérêts fonciers assez étendus, car ce fut une excellente spéculation que d’acheter des terrains et de construire à la hâte des maisons légères qui servaient d’asile aux réfugiés de la rébellion ; mais cette spéculation n’a eu qu’un temps. Le flot des réfugiés, poussé et grossi par la tourmente, s’est retiré avec le calme ; les terrains ont perdu de leur valeur et ont passé dans d’autres mains. Les Français ne sont plus les seuls propriétaires ou, pour être plus exact, les seuls locataires perpétuels des terrains de la concession ; beaucoup de titres ont été transférés à des individus d’autres nationalités. On pourra dire en faveur de notre concession de Shanghaï que les intérêts de l’œuvre de la propagation de la foi y sont largement représentés, que plusieurs missions y ont leurs procures, lesquelles administrent des terrains et des maisons dont la location sert à l’entretien des missions, que l’église paroissiale catholique s’y élève. Nous répondrons que les missionnaires sont répandus par toute la Chine, qu’il n’y a pas de raisons de les protéger plus spécialement ici qu’ailleurs, qu’enfin leur sécurité serait tout aussi bien garantie sur une concession neutre que sous la garde exclusive de la France, qui ne peut même pas toujours laisser une canonnière mouillée à poste fixe dans les eaux de Shanghaï.

Pour le reste, nous reconnaissons volontiers que l’administration de notre concession, surtout dans ces dernières années, a été sagement conduite. Les Chinois, traités avec justice, avec bienveillance, s’y sont vus plus d’une fois protégés contre les exactions de ces innombrables sangsues que les mandarins traînent à leur suite. Le corps de police, composé de 52 agens, remplit parfaitement son rôle. Le conseil municipal a toujours montré un zèle louable et la plus parfaite intégrité. Les finances ne sont obérées par aucun emprunt. Les travaux publics n’ont pas été négligés ; les quais sont plus beaux que sur les concessions voisines et offrent des wharves plus commodes aux steamers et navires à voiles qui viennent s’y aligner. Le gaz éclaire les rues, qui sont fort bien tenues.

Pour ramener notre concession à un état normal, il suffirait de la