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— qui fut ou essaya d’être le corrupteur. Pénétré des avantages de l’alliance et craignant d’insurmontables obstacles, le régent avait autorisé son représentant à tenter les moyens extrêmes, bien plus irréguliers qu’extraordinaires en ce temps-là. Dubois offrit donc à Stanhope 600,000 livres. Que répondit Stanhope ? Suivant l’abbé, il accueillit favorablement l’ouverture ; puis, se ravisant, il refusa. Cette dépêche, adressée au régent le 30 octobre 1716, nous paraît assez importante pour être citée ici ; on y verra l’impudence du tentateur naïvement peinte par elle-même.


« Je n’ai pas eu le temps jusqu’à présent, monseigneur, d’avoir l’honneur de vous rendre compte d’une circonstance dont j’avais impatience pourtant que vous fussiez instruit. Dans le temps le plus obscur et le plus incertain de la négociation d’Hannover, je trouvai une occasion si naturelle de faire à M. Stanhope l’offre que vous m’aviez ordonné de lui faire, que je hasardai le compliment, et je n’ai jamais eu plus de joie que de voir qu’il me laissait tout dire, jusqu’à la somme que je fixai tout d’un coup à 600,000 livres, ce qu’il écouta gracieusement et sans se gendarmer. Ma satisfaction fut encore plus grande quand il me répondit que votre altesse royale était un si grand prince que personne ne devait rougir de recevoir de ses grâces et d’être l’objet de sa générosité, qu’il recevrait avec beaucoup de reconnaissance les marques de l’honneur de son estime qu’elle voudrait lui donner, mais qu’il fallait au moins travaillera lui rendre quelque service, ce qu’il accompagna de toutes les marques de reconnaissance d’un homme qui sent qu’on l’enrichit. Depuis cette entrevue, j’ai eu occasion sept ou huit fois de lui en reparler. Tantôt je lui disais que, comme je ne me connaissais pas en diamans, je le priais d’acheter lui-même ceux que j’avais ordre de le prier d’accepter, tantôt que je ne voulais pas lui faire tenir cet argent par M. Lass… Une fois je l’ai prié de me dire si je devais prendre des lettres de change sur Londres ou sur Amsterdam, ou sur Hambourg, qui était dans le voisinage d’Hannover… Une autre fois je lui dis, comme en confidence, que j’avais une raison personnelle de désirer que le traité fût signé, qui était que cette signature me délivrerait de la frayeur perpétuelle que j’avais qu’on ne volât 30,000 louis d’or neufs, qui étaient dans mon appartement à Paris, et qui étaient à lui, et que ce dépôt m’importunait fort… Enfin, après la signature des dernières conventions, je lui dis fort sérieusement que, devant partir incessamment, je le priais de me dire quelles lettres de change lui seraient plus commodes ; il me remit d’un jour à l’autre, jusqu’à celui de mon départ, qu’il me déclara que votre altesse royale. était un grand prince qui pouvait, dans mille occasions, lui faire plaisir, qu’il me priait de lui faire mille remercîmens des offres généreuses que je lui avais faites,