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s’étant tendu à Versailles pendant l’occupation allemande pour plaider la cause de son département, n’a pas hésité à mêler à cette mission des revendications bien étranges dans une bouche française, surtout à un pareil moment. Ce fait a été rendu public, il. y a quelques mois, sans avoir été démenti. D’autre part, nous avons pu lire récemment dans un journal ultramontain ces mots significatifs : « A la place du prince de Bismarck, un homme vraiment supérieur eût prononcé le mot de la situation en disant : Je prends en main la cause de Rome. Quel service-il eût rendu à tous ! quelle stabilité il donnait au précaire gouvernement français, et quelle hypothèque à la dette du vaincu meilleure que l’occupation de son territoire ! »

Peu de semaines après la signature de la paix, qui était la mesure de l’impuissance et de l’écrasement momentané de la France, un vaste pétitionnement a été organisé par un certain nombre d’évêques français pour demander une intervention, dont la nature n’était pas nettement définie, en faveur du pouvoir temporel. Le moment était bien choisi pour surexciter le sentiment religieux. Le meurtre abominable de l’archevêque de Paris et de plusieurs prêtres éminens avait provoqué la plus légitime indignation ; il était facile d’en faire bénéficier la cause ultramontaine. A un point de vue plus élevé, l’heure pouvait sembler défavorable pour provoquer de pareilles agitations. Eh quoi ! voici un peuple qui a été entraîné dans les malheurs les plus inouïs : par une suite accumulée d’erreurs et de fautes, il se relève à peine au milieu des débris de sa grandeur matérielle, son salut est au prix de sa régénération. L’église la plus accréditée au milieu de lui, celle qui est liée étroitement à son histoire, trouve une occasion solennelle de lui faire entendre une parole grave et austère, capable d’éveiller un écho dans les consciences ? elle se borne à réclamer par la voix de son haut clergé un lambeau de terre comme la condition essentielle du triomphe de la religion !

Que voulaient en réalité les pétitionnaires ? Les naïfs, à qui on n’avait pas fait la leçon, demandaient tout uniment une intervention de la France ; ils se souciaient fort peu des obstacles et des périls : les journaux religieux ont publié un certain nombre de ces pétitions. Celles des évêques étaient bien plus réservées, ils se bornaient à prier le gouvernement d’agir diplomatiquement en faveur de la théocratie romaine ; mais une telle démarche aurait suffi pour entraîner la politique française dans la voie la plus dangereuse, car, si l’on s’en tenait aux négociations, c’est que l’on sentait bien qu’il était impossible de faire plus, alors que le pays était encore occupé par les armées étrangères. L’action diplomatique contient une menace, ou elle n’est qu’une vaine parade peu propre à relever la