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L’ULTRAMONTANISME
ET
LA POLITIQUE FRANCAISE

La France affaiblie semble exposée à un péril nouveau non moins grave que ceux qu’elle a traversés. L’étranger lui a, pris des provinces ; on voudrait qu’elle abandonnât son patrimoine moral, le fruit le plus incontestable du glorieux effort de 1789, le caractère laïque de l’état moderne. La révolution française n’a pas eu de résultat plus certain que la sécularisation de la société civile. Dès les premiers jours de la constituante, dans le débat sur les droits de l’homme, Mirabeau donne la vraie formule du droit moderne ; quelques mois plus tard, un ordre du jour, voté sur la proposition de M. de La Rochefoucauld portait que « l’assemblée n’a ni ne peut avoir aucun pouvoir à exercer sur les consciences et sur les opinions religieuses. » Ce principe de l’indépendance de l’état, en dépit des démentis qui lui ont été infligés à diverses reprises, est l’âme même de la France moderne, qui pendant toute la première moitié de ce siècle a été seule à le proclamer et à le pratiquer avec quelque largeur dans l’Europe continentale. Nos constitutions successives pouvaient disparaître, ce principe n’en demeurait pas moins enraciné dans la conscience nationale. Nous assistons à une tentative audacieuse : on voudrait mettre de nouveau la politique au service de la religion ; c’est là l’effort de l’école ultramontaine, si puissante aujourd’hui aussi bien par nos malheurs que par son propre triomphe au sein de l’église.

Les grandes épreuves nationales ont ce résultat certain de ranimer le sentiment religieux. Rien n’est plus salutaire quand ce sen-