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gens accoutumés à voir fonctionner un système pareil dans leur propre pays. Le conseil municipal de la concession anglaise ne devait d’abord se composer que de sujets britanniques ; mais, comme des étrangers de toute nationalité venaient également y fixer leur résidence et qu’on trouvait avantage à les recevoir, l’accès du conseil municipal fut bientôt ouvert à tous. En 1862, les concessions anglaise et américaine se sont réunies ; elles s’appellent dès lors simplement concessions étrangères, et sont devenues en réalité terrains neutres. Cette fusion d’intérêts en apparence divisés a porté ses fruits ; il s’est créé à Shanghaï une florissante république cosmopolite.

On nous permettra de donner quelques détails sur l’organisation de cette colonie d’une forme toute nouvelle. Les concessions renferment plusieurs élémens auxquels il convenait de faire une part. Ainsi il fallait ne pas enlever au gouvernement chinois la souveraineté du sol, qu’il n’avait jamais entendu abandonner ; il fallait laisser aux consuls l’autorité qui leur est dévolue et qui comprend le droit de justice sur leurs nationaux, enfin satisfaire aux stipulations des traités d’après lesquelles eux seuls peuvent directement communiquer avec les autorités chinoises. Il était aussi de convenance et de bonne politique de faire d’eux les chefs de la famille commune, tout en laissant au conseil municipal, émanation directe des résidens, une liberté suffisante d’action. C’est en tenant compte de ces diverses conditions qu’ont été élaborés les règlemens d’administration des concessions neutres de Shanghaï. La souveraineté du gouvernement chinois, déjà sanctionnée par l’impôt foncier que les locataires des terrains doivent acquitter, y est reconnue de plusieurs manières : les achats ou transferts de terrains délivrés par les consuls aux parties contractantes doivent être revêtus du sceau des autorités locales ; celles-ci ont droit de lever des taxes sur les concessions, pourvu qu’il s’agisse de taxes communes à tout l’empire et non particulières à la localité ; elles peuvent faire arrêter leurs nationaux sur les concessions après que leur mandat d’arrêt a été contre-signé par l’un des consuls. Quant à ces derniers, bien que la police et les services municipaux ne soient pas placés directement sous leurs ordres, c’est devant eux que sont traduits les délinquans pour injure à la paix publique, refus d’acquitter les taxes et autres délits de ce genre. Les mesures générales, avant d’être soumises à la sanction des ministres plénipotentiaires et du gouvernement chinois, sont discutées par le corps consulaire réuni en conseil. L’assemblée des contribuables est convoquée par le plus ancien des consuls à des époques fixes ou lorsque la demande en est faite par un nombre suffisant de résidens ; c’est aussi le plus ancien