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tenons à exercer un véritable protectorat. Ce terrain est appelé à Shanghaï la concession française.

On sait que le mot de concession désigne en Chine des terrains affectés à la résidence des étrangers dans les ports ouverts à leurs opérations. Le terme d’ailleurs est impropre, car les étrangers ne sont que les locataires perpétuels de ces terrains ; ils paient un impôt foncier annuel au gouvernement chinois. Ce qui a contribué à faire adopter une pareille dénomination, c’est que les étrangers jouissent en ces endroits d’une espèce d’autonomie municipale destinée à leur assurer un système de voirie, de police et de commodités commerciales conformes à leurs habitudes. Il y a eu dans le principe trois concessions : la concession anglaise, obtenue ou mieux délimitée en 1846, puis agrandie en 1861 ; la concession française, obtenue en 1849 et agrandie en 1861 ; la concession américaine, qui date de 1849. Elles devaient être d’abord soumises à des règlemens communs de municipalité, publiés en 1854, après sanction de l’autorité chinoise, par les trois consuls de France, d’Angleterre et des États-Unis ; mais ces règlemens mis immédiatement en pratique sur les concessions anglo-saxonnes, n’ont pu l’être sur la nôtre, le gouvernement français, fort peu sympathique alors au principe de l’autonomie municipale, s’étant refusé à les admettre.

Pour bien comprendre comment le gouvernement chinois a pu, sur son propre territoire, déléguer en quelque sorte ses devoirs et ses droits d’administration à des étrangers établis chez lui, il faut se rappeler que par les traités ceux-ci se trouvent, comme dans le Levant, placés sous un régime d’exterritorialité, d’après lequel ils ne relèvent que de leurs propres consuls. Le but de cet arrangement a été de soustraire les étrangers au mode arriéré de la procédure et des pénalités du code chinois ; il épargne aussi à leur amour-propre la surveillance et les vexations de la police indigène. C’est donc un service spécial qui maintient l’ordre dans les concessions ; il fonctionne sous le contrôle des consuls, des communautés elles-mêmes ou de leurs délégués. D’autre part, la race blanche a besoin, sous un climat qui est dur à supporter, de beaucoup d’air, de beaucoup de propreté, de larges rues, de promenades, nécessités parfaitement ignorées en Chine. Enfin les navires à voiles et à vapeur demandent, pour la commodité des opérations, des quais, des wharves, dont le besoin n’existait pas pour les jonques chinoises ; de là la nécessité d’un système de voirie et de travaux publics que les étrangers seuls pouvaient organiser.

Les règlemens dont nous avons parlé ont pourvu à ces besoins divers par l’établissement d’une administration municipale ; ils ont été appliqués, sur les concessions anglaise et américaine, par des