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dijonnaise qu’est due cette excellente mesure ; une seconde, d’entreprise moins aisée, a été menée à fin par le zèle du clergé dijonnais, la réparation et la restitution au culte de la vieille basilique de Saint-Jean-hors-les-Murs. Cette église, où Bossuet fut baptisé et à laquelle se rapportent quelques-uns des faits les plus lointains de nos origines nationales, avait été convertie en magasin à fourrages ; la religion et la science historique se sont trouvées d’accord pour faire cesser cette profanation. La vieille petite basilique a donc été restaurée, et de la manière la plus heureuse et la plus intelligente. Des pierres et des inscriptions marquent les places des souvenirs et des tombeaux illustres : ici a été baptisé Bénigne Bossuet, tout près s’élevait le tombeau qui renfermait les restes de saint Urbain ; sur l’autre flanc de la basilique était placé le tombeau où dormaient saint Grégoire, seizième évêque, et son fils, saint Tétric, dix-septième évêque de Langres. Plus loin, un souvenir dont la nature échappe à ma mémoire est consacré à saint Vorle, le patron de Châtillon-sur-Seine. A l’exception de celui de Bossuet, tous ces noms sont certainement inconnus à beaucoup de nos lecteurs, qui peut-être les rencontrent ici pour la première fois ; ils ont cependant leur importance non-seulement dans l’histoire particulière de la Bourgogne, mais dans l’histoire générale de la France. Saint Urbain est cet évêque de Langres à qui l’empereur Constantin donna le domaine spirituel du Dijonnais. Saint Grégoire de Langres est le propre bisaïeul de notre premier historien national, Grégoire de Tours. Quant à son fils Tétric, c’est cet évêque qui, lors de la révolte de Chramne contre son père Clotaire, voyant le rebelle entrer dans son église, interrogea sur son sort les livres saints et lui prédit sur l’examen du texte la destinée d’Absalon, et c’est dans cette basilique même de Saint-Jean de Dijon que se passa cette dramatique aventure. On ne saurait trop louer les auteurs de cette intéressante restauration, car, dans l’état actuel des monumens de Dijon, cet édifice est le seul qui relie directement la ville à ses premières origines.

Il ne faudrait pas croire en effet qu’il y ait rien de cet air vieillot et suranné des anciennes capitales qui ont depuis longtemps cessé de l’être dans l’aspect actuel de Dijon. Sa physionomie générale et qui frappe tout d’abord est celle d’une ville qui a été constamment heureuse. De toutes les provinces du royaume de France, la Bourgogne est celle qui a toujours été le mieux gouvernée, et de toutes les villes de Bourgogne Dijon est celle que le sort a toujours favorisée avec le plus d’amour. Elle mérite par excellence le nom de ville de Cocagne parmi les villes françaises, car son bonheur tient un peu de la féerie. Mâcon a été saccagé, Châlon a été saccagé, la malheureuse ville d’Autun a pendant près de dix siècles subi