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central… » M. Vautrain prétend qu’il fut pris pour un insensé. Au dire du général d’Aurelle de Paladines, qui avait été envoyé pour essayer de ressaisir l’autorité sur la garde nationale et qui assistait tous les soirs à une conférence ministérielle au quai d’Orsay, M. Ernest Picard se montrait d’habitude peu préoccupé. Dans ces conférences on disait, à ce qu’il paraît, un mot des affaires publiques ; puis on s’égayait, M. Picard faisait des frais de bonne humeur, cela durait ainsi jusqu’à une heure du matin. Si on touchait à la question du moment, à la question brûlante, le ministre de l’intérieur répondait : « Ce n’est rien, on est habitué à cela, vous savez ce que c’est que la population de Paris. » Le fait est que M. Ernest Picard ne savait plus trop lui-même ce que c’était que ce Paris incohérent, confus, absolument démoralisé, livré pendant sept semaines, à partir de l’armistice, aux fauteurs de sédition, et conduit d’incident en incident jusqu’à la catastrophe.

Elle a éclaté, cette suprême catastrophe qui a plongé Paris pour deux mois dans la plus étrange fournaise. Je ne recherche pas ce qui a été fait à l’heure décisive. Quelle que soit la part des dernières circonstances qui à dater du 28 janvier ont favorisé ou précipité le sanglant événement : l’insurrection du 18 mars reste toujours, à un point de vue supérieur, le produit ou le prolongement de toute une situation préparée et léguée par l’empire, développée, compliquée et étrangement envenimée pendant le siège de Paris. Tout y est, le mouvement n’a plus rien de nouveau, l’exhibition est connue d’avance. Quels sont les acteurs, les violens et grotesques héros de cette commune qui va s’installer à l’Hôtel de Ville pour n’en sortir qu’en laissant l’incendie derrière elle ? Ce sont tous ces obscurs déclamateurs, ces médiocres démagogues, qui déjà dans les derniers temps de l’empire s’essayaient au rôle d’agitateurs, qui pendant le siège s’en allaient dans les clubs, retirant leur habit, selon le témoignage de M. Cresson, déployant leurs chemises rouges, leurs drapeaux rouges. Quel est le programme de la commune ? C’est cet ensemble de doctrines matérialistes, athées, communistes, qui depuis quelques années traînent dans les journaux du radicalisme extrême, dans les réunions publiques, qui ont la prétention de représenter la révolution sociale. L’idée même de la commune, telle qu’on veut la constituer, n’est autre chose que l’idée primitive de l’Internationale, la section, noyau embryonnaire de l’organisation publique qu’on a l’ambition de faire prévaloir. L’Internationale, avec ses alliés de toutes les nuances, de toutes les sectes, règne pendant deux mois. On peut donc enfin voir à l’œuvre cette politique de la démocratie nouvelle qui depuis quelques années s’annonce avec tant d’orgueil comme la régénératrice de la société ! Que va-t-il se produire dans cette phase aiguë et aggravée des