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Il ne s’informe pas même, lequel, de sa montre ou de ses conseils, est le mieux accueilli.

Nous ne voudrions pourtant pas assurer que la comédie eût gagné à diminuer l’enthousiasme poétique et réformateur d’Armand. Il y est trompé tout le premier, et bien des débutans le sont comme lui. Il faut tenir aujourd’hui le langage qui convient au temps présent, et qui peut-être ne sera plus si bien entendu demain. Un temps viendra sans doute où l’on rira fort de nos fantaisies poétiques, où l’on s’étonnera peut-être que le lyrisme d’Armand n’ait pas été l’objet d’une moquerie plus décidée. On sentira pourtant qu’il y a sous le travers de cette poésie en apparence inopportune un sentiment sérieux, et que ce sentiment est précisément celui de la jeunesse ; elle a des trésors de confiance pour tout ce qui lui paraît au-dessus du vulgaire niveau, et c’est pour tous les âges qu’un écrivain a dit : « L’esprit est la dupe du cœur. »

M. Pailleron a peut-être fait la plus longue et la plus courte des pièces en un acte, le Monde où l’on s’amuse et l’Autre Motif. La plus longue, ne le paraît pas au spectateur ; la plus courte le paraît plus qu’elle ne l’est, et ce double résultat est dû à la gaîté qui anime l’une et l’autre. Malgré le regret qu’on éprouve en voyant tomber le rideau sur la seconde, un instant de réflexion suffit pour reconnaître que l’auteur a bien fait de ne pas s’arrêter en route pour amuser l’auditeur ; il a pris le meilleur parti, celui de l’empêcher de se reconnaître au milieu d’un imbroglio qui tient à un fil. Cette situation d’une femme qui est veuve sans l’être, qui se donne pour veuve quand elle ne l’est pas, et qui se croit encore mariée quand elle ne l’est plus, est une fort jolie intrigue qui grossira la liste des actes destinés à égayer le répertoire. Et maintenant que nous avons indiqué à M. Pailleron l’espoir justifié par ses Faux Ménages, et les exigences sérieuses que nous avons le droit d’exprimer après l’Autre Motif, nous l’invitons à ne pas reculer devant les sujets de la haute comédie : la jeunesse de son talent donne à notre conseil l’opportunité qui est la règle de la critique.

Il faut faire un choix entre les comédies de M. Gondinet pour juger son œuvre dramatique sans surprise. On y trouve en effet un mélange qu’il serait un peu sévère de reprocher dès aujourd’hui à l’auteur : entre ses pièces avouées par le goût et celles d’un ordre inférieur, on ne peut affirmer encore qu’il se soit classé ; on ne peut dire s’il lui est arrivé de monter progressivement, s’il est un parvenu du talent qu’il convient de féliciter, ou un talent aimant à déroger qu’il est utile d’avertir. Laissons donc Gavaut, Minard et Cie au Palais-Royal, où cette plaisanterie en trois actes est à sa place, et bornons à Christiane, comédie reçue avec applaudissement au