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voyés se retirèrent. Lorsqu’ils eurent fait leur rapport à l’assemblée, Eusèbe déclara qu’il ne prétendait accuser que le seul Dioscore ; alors le concile discuta s’il fallait envoyer, séance tenante, à l’évêque d’Alexandrie, une troisième et dernière sommation.

Pendant ces allées et venues, qui prirent beaucoup de temps, parce que la basilique de Sainte-Euphémie était située hors la ville, il s’était passé un incident qui porta au comble les mauvaises dispositions des évêques pour le patriarche accusé. Quatre Égyptiens s’étaient présentés au seuil de l’église, porteurs chacun d’une requête individuelle adressée au saint pape Léon et au concile, et ils demandaient à être introduits pour les remettre eux-mêmes à l’assemblée et les affirmer par serment. Ces quatre Égyptiens, arrivés d’Alexandrie tout exprès pour attaquer le patriarche, comptaient dans leurs rangs un prêtre et deux diacres, et ce qui donnait à leur apparition un intérêt tout particulier, c’est que le prêtre nommé Athanase était un neveu de ce même Cyrille, prédécesseur de Dioscore, et dont le nom était dans toutes les bouches depuis l’ouverture du concile. Athanase représentait la famille entière de son oncle, ou du moins ce qui restait de cette famille infortunée ; elle l’envoyait dénoncer, devant le seul tribunal en qui elle eût confiance sur la terre, les persécutions odieuses qui l’avaient presque fait disparaître. Chaque requérant, suivant l’usage, avait son placet particulier, dans lequel il énumérait ses griefs propres, en y ajoutant des faits généraux capables de faire impression sur les juges. Le légat Lucentius ordonna de les introduire tous les quatre, et leurs requêtes furent lues successivement par un secrétaire du concile.

Le premier plaignant, Théodore, était un diacre de Cyrille qui n’avait pas toujours été dans l’église. Magistrien, c’est-à-dire employé dans la maîtrise des offices pendant vingt-deux ans, il avait mérité, par sa bonne conduite et aussi par quelques services rendus, que Cyrille l’attachât à son clergé, où il avait figuré comme diacre pendant quinze ans ; mais Dioscore, dès son arrivée au trône patriarcal, l’avait chassé, sans aucun autre motif que les distinctions qu’il avait reçues de Cyrille et la familiarité dont celui-ci l’honorait. « En effet, était-il dit dans la requête, cet archevêque (Dioscore), qu’il faut appeler non pas très saint, mais très féroce, avait pris à tâche d’expulser de la ville non-seulement la famille de son prédécesseur, mais tous ceux qu’il avait favorisés. Il les expulsait comme des ennemis de sa doctrine, car il faut savoir qu’il est hérétique origéniste, et blasphème la très sainte Trinité. Aucun excès ne manque à sa tyrannie, ni le meurtre, ni l’incendie des maisons, ni la destruction des arbres, quand il porte sa vengeance sur quelqu’un. De plus il a toujours mené une vie infâme, ce que je m’engage à prouver. Pour tout ce que j’avance, je produirai des témoins qui sont