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rencontrer des incrédules, car on ne se figure pas aisément que, dans la Grande-Bretagne par exemple, le service ne soit pas aussi complet qu’en France. Rien n’est plus vrai cependant : un membre de la chambre des communes déclarait au parlement en 1868 que les lettres de Londres à destination de certains districts de l’Ecosse restaient un mois en route. Qui ne sait au contraire que la plus modeste commune de France possède depuis longtemps un service quotidien, et que les hameaux neigeux des Alpes et des Cévennes reçoivent la visite du facteur ? En Allemagne, les lettres adressées hors des villes ont été longtemps frappées d’une taxe supplémentaire qui n’a été abolie qu’au 1er janvier 1872 ; souvent même elles n’étaient point portées à domicile, et les destinataires devaient les faire prendre au bureau de poste. En France, le décime rural est supprimé depuis vingt-cinq ans. Bref, la comparaison des taxes ne peut s’établir équitablement que si l’on compare en même temps l’étendue, la variété, la régularité des services qu’elles ont à rémunérer. À ces divers points de vue, notre ancienne taxe de 20 centimes était relativement très modique.

Il suffit au surplus d’examiner les budgets pour rendre cette démonstration plus saisissante. Le service des postes rapporte à l’Angleterre environ 35 millions, tous frais payés. Le produit des postes de l’empire germanique, non compris le grand-duché de Bade, le Wurtemberg et la Bavière, qui ont des comptes distincts, est évalué à près de 9 millions. En France, la moyenne des recettes effectuées pendant les trois années 1867, 1868 et 1869, s’est élevée à 90 millions, et la moyenne des dépenses portées au budget à 63 millions, ce qui laisserait un bénéfice annuel de 27 millions ; mais ce bénéfice n’est pas réel ; il disparaît même complètement, si l’on ajoute aux dépenses le prix du transport des dépêches par les chemins de fer. En Angleterre, l’office des postes traite avec les compagnies, qui forment, comme on le sait, des entreprises particulières et indépendantes ; la somme qu’il leur paie pour le transport des malles est comprise dans le montant de ses dépenses. De même pour l’Allemagne, cet élément de frais est chiffré dans le budget postal. En France, les compagnies sont obligées par les cahiers des charges d’effectuer gratuitement la presque totalité des transports de la poste, et ce service leur est imposé en compensation des subventions et des garanties d’intérêt qui leur ont été accordées. La gratuité n’est donc que nominale, elle correspond à une dépense faite sous une autre forme par le trésor, de telle sorte que, si l’on veut se rendre compte exactement du prix de revient pour les postes, il faut calculer le chiffre auquel on doit évaluer le coût du transport par les chemins de fer. On lit dans un rapport publié par