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l’exemple de la révolte. Le titre de prince ne protégea point la maison de Taxis contre les entreprises de dépossession : elle eut à supporter, avec l’appui de la cour de Vienne, une longue série de luttes pour défendre son réseau postal, qui, vers le milieu du XVIIIe siècle, se trouva fortement entamé. La Bavière, la Hesse, la Saxe, le Brandebourg, la Westphalie prussienne, d’autres pays encore avaient conquis, à son détriment, leur indépendance postale. Cependant, malgré cette défection, les services de La Tour et Taxis conservaient le parcours le plus étendu dans le centre de l’Europe ; ils tenaient les ports et les principales routes, et, s’ils ne pouvaient plus s’opposer à la création de concurrences, ils s’appliquaient, par des traités habilement combinés, à multiplier partout les échanges de dépêches. Rien de plus curieux que ce petit fief sans territoire et sans armée luttant contre les subtilités et les brutalités féodales, se tirant toujours d’embarras dans les passes les plus difficiles, manœuvrant, sans être écrasé, entre l’empereur et les princes, et sachant s’imposer à tous par l’excellence relative de son organisation. Il y a là vraiment un prodige d’habileté administrative et de diplomatie.

Pendant la révolution et sous le consulat, lorsque la république française devint maîtresse des Pays-Bas et de la rive gauche du Rhin, le grand-maître des postes féodales dut, comme bien d’autres souverains, se replier devant elle. Il céda la place aux postes françaises ; mais il avait su se ménager la protection du vainqueur, et il avait obtenu que, par une stipulation insérée dans un acte de 1803 faisant suite au traité de Lunéville (1801), la situation des services de La Tour et Taxis en Allemagne fût maintenue telle qu’elle était lors de la signature de ce traité. Il invoqua donc cette clause pour conserver les postes dans les territoires de la rive droite du Rhin qui venaient d’être attribués à la Prusse. La France était intéressée à ce qu’il en fût ainsi, non-seulement parce que les services de Taxis avaient toujours été bien exécutés au profit du gouvernement et du public français, et en dehors de toute influence politique, mais encore parce qu’il était désirable de ne point remettre à l’administration prussienne la direction des postes allemandes. Il y eut à ce sujet des pourparlers diplomatiques qu’il n’est pas inutile de rappeler.

Dans un rapport adressé au premier consul, le directeur des postes françaises, M. de Lavalette, proposait d’appuyer auprès du roi de Prusse la réclamation du prince de La Tour et Taxis. « Il ne s’agit pas seulement, disait-il, des relations avec l’empire (l’Allemagne), mais des correspondances de et pour plusieurs états du nord, correspondances que l’office français a toujours évité avec