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un mot l’efficacité qu’on lui suppose ? et ne s’exagère-t-on pas à la fois l’influence à laquelle ou ramène une partie de nos maux et la puissance du remède qu’on préconise ? Il nous semble que tout est là.

Il y aurait lieu de demander si la loi d’égal partage, — en admettant, ce que nous faisons nous-même, que la part disponible soit trop resserrée et contienne des restrictions excessives à l’autorité paternelle et aux libres combinaisons de la propriété et de la famille, — violente au point où on le prétend les principes et les faits de l’ordre moral et économique. Envisagée ainsi, la question se réduit beaucoup. Le droit de tester existe, et n’est plus attaqué que par le socialisme ou plutôt par certains systèmes socialistes, en lutte impuissante avec ce qu’il y a de plus respectable dans la liberté individuelle. Faut-il pour cela que l’exercice en soit illimité ? Le droit même de propriété ne l’est pas, et de quelle liberté peut-on dire qu’elle est absolue ? Dans le cas où il n’y a pas de testament, la loi d’égal partage paraît évidemment, en thèse générale, ce qu’il y a de plus équitable. La loi le reconnaît, même en Angleterre, pour les biens meubles ; Les raisons de limiter la liberté de tester sont connues depuis longtemps. On a pu exagérer ces limites, il est excessif de soutenir qu’il n’y en a pas. Les abus, auxquels l’absolue liberté testamentaire a donné lieu ne sont pas un simple épisode de l’histoire ; ils y tiennent une place énorme. Il a fallu que la loi dans les pays aristocratiques mît des bornes à cette faculté indéfinie des substitutions qui, sous prétexte de liberté du testateur, supprime la liberté de plusieurs générations, frappe la terre d’une inaliénabilité funeste par son excès, crée des fainéans et des prodigues, et trouble tous les rapports, de famille pendant tout le temps de leur durée. Les imperfections et les vices de la nature humaine subsistent chez le père de famille. Ses injustes partialités, la faiblesse des vieillards sujets à captation, remplissent les annales juridiques, comme les comédies du répertoire antique et moderne. Est-il exorbitant d’admettre que ces considérations suffisent pour motiver quelques précautions et quelques mesures limitatives ? Tout ce qu’exige le droit naturel, c’est que la liberté reste le fait dominant. Il ne semble même pas que cette interprétation ait paru trop tyrannique à certains états de l’Amérique du Nord. On trouve dans la législation de quelques-uns des clauses restrictives en ce qui concerne la faculté de léguer aux associations. Des enfans mineurs au moment de la mort de leur père, entrant à peine dans la vie, ayant d’ailleurs, quel que soit leur âge, quelle que soit leur situation, un titre naturel à la préférence, à de rares exceptions près, seront-ils entièrement exclus de tout droit à la succession ? On dit qu’il n’y a pas de droit à l’héritage. Il faudrait s’entendre sur ces mots. Au point de vue de