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des articles 826, 832 et 1075. Cette instance fut poursuivie pendant plus de quatre ans devant toutes les juridictions. Colloques interminables avec les gens de loi, voyages incessans à Lourdes, siège du tribunal, fatigues et pertes énormes de temps et d’argent, procès perdu en première instance, déféré en appel à la cour de I*au, qui casse le premier jugement, pourvoi en cassation, affaire terminée à l’avantage de la famille et maintien de l’acte de partage de 1835, mais avec des frais judiciaires s’élevant à plus de 6,000 francs. Voilà pourquoi il a fallu vendre. Un des fils s’est engagé moyennant 2,000 francs pour aider au paiement. Plusieurs des filles se sont mariées au-dessous de leur condition. La foi de la famille en elle-même est perdue. Le mauvais exemple de la discorde, du désir de se séparer, a été donné. Les influences extérieures agissent enfin avec une intensité croissante dans le sens du code contre la coutume, dont tout annonce la défaite inévitable, prochaine sans doute. Ce n’est là qu’un exemple du danger qui achève de menacer tout ce qu’il y a de familles résistant à la désorganisation. M. Le Play et ses collaborateurs en citent d’autres, pris également dans cette classe des moyens ou petits capitalistes. Les palliatifs sont impuissans. Le préciput qui peut être attribué à l’héritier ayant été réduit par le code au quart de la valeur des propriétés, il devient très difficile à la communauté de doter les enfans et de conserver le bien sans le grever d’hypothèques. Les enfans qui ne sont pas mariés à la mort du chef de famille ont le droit de réclamer le partage en nature par l’article 815 ; par suite, la conservation du bien de famille a cessé d’être un principe social, et reste subordonnée au hasard des volontés individuelles. Il est enfin dans la nature des choses que l’esprit public cède à la direction que la loi ab intestat lui imprime. Qu’attendre de l’avenir avec cette tendance ? La dispersion des familles qui restaient debout, le morcellement des propriétés qui demeuraient intactes, apparaissent comme l’issue fatale de cette marche progressive. C’est à nous de voir si nous voulons aviser.


III

Nous avons le plus possible laissé la parole à l’auteur de l’Organisation de la famille. Il faut maintenant conclure. La question qu’il pose est-elle sans gravité ? Nous ne le croyons pas. A-t-elle toute l’étendue, tout le degré d’importance que ceux qui se rangent sous la même bannière lui accordent en l’élevant à la hauteur de question principale et dominante de la société française ? Nous le pensons encore moins. La liberté illimitée de tester aurait-elle en