Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 98.djvu/83

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et qu’il professe deux natures après l’union. — Oui, je supplie qu’on lise le reste, s’écria Juvénal de Jérusalem, relevant les dernières paroles de Dioscore, et l’on verra que tout y est orthodoxe. Le très saint évêque Flavien a parlé comme Cyrille et comme la tradition des pères. — Nous disons la même chose, » crièrent les évêques de Palestine; Juvénal, se levant avec eux, quitta son siège et passa de l’autre côté, suivi de tous ses suffragans.

Ce fut un véritable coup de théâtre, qui jeta le parti de Dioscore dans la consternation et remplit de joie le parti contraire. Une acclamation s’éleva du corps des Orientaux en l’honneur des évêques qui se ralliaient à eux, et fut répétée par tout le côté gauche. « Soyez les bienvenus, leur disait-on, évêques orthodoxes; c’est Dieu qui vous amène! » Cette désertion, concertée entre Juvénal et ses collègues de Palestine, parut une juste représaille des mauvais procédés de Dioscore et de l’insistance qu’il avait mise à compromettre dans sa cause ses anciens assesseurs d’Éphèse. Pierre de Corinthe prit alors la parole et dit : « Je n’ai pas assisté au concile dont il s’agit, attendu que je n’étais pas encore ordonné évêque, mais, sur ce qu’on vient de lire, je trouve la doctrine de Flavien d’une incontestable orthodoxie. » Et il passa du côté des Orientaux, qui le saluèrent par ces cris : « Pierre croit comme Pierre, soyez le bienvenu, évêque orthodoxe! » Irénée, évêque de Naupacte, avec les évêques d’Hellade, de Macédoine et de Crète, obéirent au torrent et passèrent à l’autre travée ; mais la surprise fut au comble lorsqu’on vit quatre évêques égyptiens se déclarer aussi pour la mémoire de Flavien et quitter le côté où ils siégeaient. Dioscore, renié, délaissé, dévorait mal sa colère. « Flavien a été déposé, disait-il, pour avoir soutenu deux natures après l’union, et j’ai là vingt passages des pères qui condamnent cette proposition. Qu’on me chasse donc avec les pères! »

Les faits de violences par lesquels s’était terminé le brigandage d’Ephèse amenèrent un débat très vif entre Dioscore et certains évêques déposans. Dioscore niait tout, répondait à tous les propos : « Cela est faux, on en a menti ! » A l’en croire, il n’y aurait eu ni soldats en armes envahissant l’église, ni parabolans, ni moines syriens, milice féroce de Barsumas. Quand on parla de l’apparition du proconsul avec des chaînes et une multitude de satellites, Dioscore interrompit en ricanant : « Multitude ! dit-il, dix, vingt, trente, cent personnes tout au plus; je produirai des témoins pour prouver que tout cela n’est que mensonge. » Irrités de son air insultant et de sa mauvaise foi, los évêques s’animaient de leur côté. « Je n’ai forcé personne à souscrire, répétait Dioscore. Qui dit que je l’ai forcé? — Moi, répondit Basile de Séleucie. Vous nous avez forcés à cette abomination par les menaces de vos satellites, » et, s’adres-