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Hutin, « en considération des travaux continuels que défunt Guillaume de Nogaret, chevalier et chancelier du roi son père, avait soutenus au service de ce prince durant sa vie, prit sous sa sauvegarde spéciale Raymond et Guillaume de Nogaret, fils et héritiers dudit défunt, ses valets. » Raymond, l’aîné, fut seigneur de Calvisson et de Massillarges. Guillaume, le second fils, fut seigneur de Manduel. Tous deux laissèrent de la postérité. Durant tout le XIVe et le XVe siècle, nous voyons les plus importantes fonctions de la sénéchaussée de Nîmes exercées par les Nogaret de Calvisson. L’un d’eux figure à la bataille de Poitiers. Une autre branche de Nogaret prenait à la même époque une position de premier ordre au parlement de Toulouse. Elle descendait, selon toute vraisemblance, du frère de notre Guillaume ; l’anoblissement dans cette branche ne datait que de 1372. Quatorze gentilshommes de ce nom devinrent capitouls. La maison des Nogaret d’Épernon prétendait descendre du frère de Guillaume de Nogaret. De Thou regarde cette prétention comme douteuse ; dom Vaissète l’admet, et en développe les preuves, qui ne sont pas toutes d’égale force. Toulouse adopta de bonne heure Nogaret pour une de ses gloires municipales, et dès le XVIIe siècle son buste fut placé, sous l’inspiration de La Faille, parmi ceux des grands hommes toulousains.

Les terres données par le roi à Nogaret occasionnèrent beaucoup de procès entre la famille de Nogaret et le domaine royal. Le 19 juillet 1319, Philippe le Long rendit une ordonnance par laquelle il révoquait les aliénations du domaine royal et spécialement ce que les hoirs de Guillaume de Nogaret et de Guillaume de Plaisian tiennent et ont tenu des rois ses prédécesseurs. Raymond, fils de notre Guillaume, soutint à ce sujet plusieurs procès, en particulier pour la conservation de la terre de Calvisson. Un arrangement intervint, et Raymond garda ladite baronnie. Au commencement du XVIe siècle, l’affaire revint. Un arrêt du parlement de l’an 1561 maintint les aliénations, après que l’avocat « eut extollé la valeur de Nogaret, que le roy récompensa d’un don de grand prix, pour exciter la postérité à servir le roy et l’estât. » Il paraît que la descendance des Nogaret de Calvisson existe encore et se trouvait il y a quelques années en possession de plusieurs des terres qui furent assignées par Philippe à son ministre. C’est dans les archives de cette maison de Calvisson que se sont conservées les nombreuses pièces, publiées par Ménard dans son Histoire de Nismes, qui ont porté à la postérité les témoignages écrits, nous ne disons pas de la vénalité de Nogaret, mais de la façon dont Philippe le Rel sut récompenser ceux qui servaient sa politique et ses intérêts.