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chancelier quand il ne sera pas prélat, « à l’instar de ceux qu’avait Guillaume de Nogaret ; » ce qu’il réitéra presque dans les mêmes termes en l’état de son hôtel qu’il fit le 18 novembre 1317. Plaisian mourut vers le même temps que Nogaret. La dernière fois qu’on le voit figurer, c’est dans un acte du 22 janvier 1313.

Ainsi disparurent presque en même temps tous les hommes qui avaient fait la gloire et la force d’un des plus beaux règnes de l’histoire de France. Jamais règne autant que celui de Philippe le Bel ne vit dominer dans les conseils de l’état un plan unique et suivi. Attribuer à la maison capétienne toute la succession de Charlemagne, ramener sans cesse le souvenir du grand empereur et présenter le roi comme étant son héritier, faire du roi à l’égard du pape ce que l’émir al-omra fut pour les khalifes, c’est-à-dire donner au roi tout l’effectif du pouvoir de l’église, réduire le pape à l’état de pensionnaire du roi, telle était la doctrine reçue du petit cercle de canonistes et de juristes qui à cette époque gouverna la France. On affichait une grande religion, et chez le roi cette religion était sincère. Philippe le Bel ressembla bien plus qu’on ne pense à Louis IX : même piété, même sévérité de mœurs ; la bonté et l’humilité du saint roi manquèrent seules à son petit-fils. Il convient de citer ici un curieux passage de Nogaret : « Monseigneur le roi est né de la race des rois de France, qui tous, depuis le temps du roi Pépin, de la lignée duquel il est connu que ledit roi descend, ont été religieux, fervens champions de la foi, vigoureux défenseurs de Sainte Mère Église. Ils ont chassé beaucoup de schismatiques qui s’étaient emparés de l’église romaine, et aucun d’eux n’en a pu avoir un aussi juste motif que le roi dont il s’agit. Le même roi a été avant, pendant et après son mariage, chaste, humble, modeste de visage et de langue ; jamais il ne se met en colère, il ne hait personne, il ne jalouse personne, il aime tout le monde, plein de grâce, de charité, pieux, miséricordieux, suivant toujours la vérité et la justice. Jamais la détraction ne trouve place dans sa bouche, fervent dans la foi, religieux dans la vie, bâtissant des basiliques, pratiquant les œuvres de piété, beau de visage et charmant d’aspect, agréable à tous, même à ses ennemis quand ils sont en sa présence. Dieu fait aux malades des miracles évidens par ses mains. » De plus en plus, le caractère ecclésiastique du roi capétien se déclare ; sa lutte perpétuelle avec la papauté romaine est une jalousie de métier. Les difficultés entre la couronne de France et le saint-siège qui remplissent le règne de Philippe le Bel avaient commencé sous saint Louis, et on peut dire que l’éclat de 1303 ne fut que la crise d’une maladie qui couvait depuis longtemps.

Guillaume de Nogaret laissa vivans ses deux fils, Raymond et Guillaume, outre sa fille Guillemette. Au mois de juin 1315, Louis le