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Le père Tosti, par une faveur exceptionnelle, eut communication de ces précieux volumes, conservés aux archives du Vatican. « Devant ces pages maculées, dit-il, je restai longtemps l’œil fixe, et en songeant à ces mots : Ex parte domini nostri D. Clémentis papœ V, je pleurai bien plus encore sur la faiblesse du pontife que sur la perfidie du prince. » On poursuivit, jusque dans les parchemins et les actes publics ou privés, les lettres ou cédules où il était fait mention des sentences et procédures dont on voulait effacer le souvenir.

Nogaret accomplit-il sa pénitence ? Comme il n’y eut pas de « prochain passage général, » la partie de cette pénitence qui consistait à se croiser fut nécessairement sans effet. Les pèlerinages qui lui avaient été imposés, avec les peines corporelles qui en faisaient partie pour les pèlerins condamnés à ces voyages par pénitence, eussent été chose fort grave pour un premier ministre du roi. Il est probable que Nogaret les racheta par des amendes pécuniaires, et peut-être la tradition conservée par le continuateur de Nangis et par Geffroi de Paris se rapporte-t-elle à ces rachats ; Geffroi de Paris semble parler d’un court exil, l’inquisiteur Bernard Guidonis, après avoir rapporté la pénitence qui fut imposée à Nogaret, ajoute : « à moins de dispense du saint-siège, » mot qui, sous la plume d’un homme aussi pratique des pénalités ecclésiastiques, n’est pas à négliger. La même chose est répétée par un autre historien de Clément V. L’auteur gallican de l’article Nogaret, dans la Biographie toulousaine, dit sans preuve, mais avec un sentiment peut-être assez juste de ce qui arriva : « Il ne put remplir les conditions de l’absolution : les intérêts de l’état le retinrent en France, et la mort le surprit avant qu’il eût commencé ses voyages. »


III

Ce qui est certain, c’est que Nogaret, aussitôt après la conclusion de l’affaire d’Avignon, reprit la garde du sceau royal. Un passage des Olim prouve qu’il mourut dans le plein exercice de ses fonctions. Sa faveur auprès de Philippe ne souffrit pas la moindre éclipse. Dans celui de ses testamens qui est daté du 17 mai 1311, le roi le nomme un de ses exécuteurs testamentaires. C’était, on le voit, presque au lendemain de la bulle d’absolution. Cela suppose qu’on tenait les conditions de cette absolution pour déjà remplies ; car une personne qui pouvait être sous le coup d’une excommunication n’était pas susceptible de figurer dans un testament.

Dans son codicille du 28 novembre 1314, au contraire, le roi substitue P. de Chambli « en lieu et place de feu G. de Nogaret. » Nogaret mourut donc certainement avant la fin du mois de novembre 1314. Dupuy déclare ne pas savoir la date précise de cette