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coupable. On admet qu’il prétend avoir eu de bonnes raisons de faire ce qu’il a fait ; on trouve possible que ce qui s’est passé soit arrivé contre son intention et par la seule résistance que Boniface a opposée à la convocation d’un concile général ; c’est par excès de précaution et pour sa plus grande sûreté qu’il a demandé le bénéfice de l’absolution, offrant, vu sa grande révérence pour l’église, de recevoir et d’accomplir ad cautelam la pénitence qui lui serait enjointe.

La pénitence fut celle-ci : « Au premier passage général, il ira de sa personne à la terre-sainte avec armes et chevaux pour y demeurer toujours, s’il ne mérite que nous ou nos successeurs lui en abrégions le temps. Cependant il ira de sa personne en pèlerinage à Notre-Dame de Vauvert, de Roquamadour, du Pui-en-Vêlai, de Boulogne-sur-Mer et de Chartres ; à Saint-Gilles, à Montmajour, à Saint-Jacques en Galice. Au cas où il mourrait sans avoir accompli ces pénitences, ses héritiers jouiront du bénéfice de l’absolution, pourvu qu’ils accomplissent ce qui en resterait à faire. A défaut de ce, l’absolution serait nulle au regard de Nogaret et de ses héritiers. »

Le même jour, le pape donna l’absolution aux gens d’Anagni ; mais une autre bulle spécifia que cette absolution n’était pas pour ceux qui avaient mis la main sur Boniface et qui l’avaient outragé en son corps ou en son honneur ; au moins ne s’étendit-elle pas sur ceux qui avaient volé le trésor de l’église. Clément, du consentement de Nogaret, de Plaisian, etc., se réserva la liberté de les absoudre ou de les poursuivre quand il le jugerait à propos. Une dernière bulle déclara « que le pape ne recevrait plus à l’avenir aucun acte où l’on blâmerait le louable zèle et les bonnes intentions que le roi avait fait paraître dans tout le cours de cette affaire. » La victoire du roi était complète. L’acte le plus hardi qu’un prince catholique eût jamais entrepris contre la papauté, le voilà traité de bonne action dans une bulle papale ; le ministre dont le roi s’était servi pour accomplir cet acte, après avoir conduit d’un ton impérieux toutes les procédures, est réconcilié avec l’église sous une forme qui n’implique pas que son acte ait été bien coupable. Cette absolution lui est accordée, non pas précisément parce qu’il en a besoin, mais pour répondre aux scrupules de sa conscience timorée, et au prix d’une pénitence que probablement il n’accomplit jamais.

On a pu remarquer, dans l’analyse que nous venons de donner de la grande bulle Rex gloriœ virtutum, que, par un raffinement juridique conforme aux procédés subtils du temps, le pape maintenait au fond la cause intacte. En effet une dernière bulle du 27 avril 1311 présente ainsi les faits. Le roi n’a pas voulu être partie dans le