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— c’est un hérétique ; — c’est un Juif. — Qu’on le fasse sortir d’ici. » — « Ce sont les assassins qu’il faut chasser, répliquait-on de l’autre côté ; dehors les assassins, dehors les séditieux ! » Le tumulte devenait inexprimable. Le chef des magistrats, se levant alors, fit signe qu’il voulait parler. « Ces cris, dit-il, et ce bruit ne conviennent qu’à une multitude désordonnée ; ils sont indignes d’une réunion d’évêques, et d’ailleurs ils ne servent en rien aux parties ; faites donc silence et laissez continuer la lecture des actes. — Nous réclamons pour la religion, pour la foi orthodoxe, répondaient les Égyptiens ; chassez un seul homme, et nous écoutons tous. — Écoutez d’abord, répliqua sévèrement le magistrat, et ne troublez plus l’ordre du concile. »

Cet incident terminé, la lecture continua ; mais Dioscore se chargea d’en provoquer un second non moins tumultueux. On lisait la lettre de Théodose qui lui conférait la présidence du concile d’Éphèse, et lui donnait pour assesseurs ou vice-présidens Juvénal de Jérusalem, Thalassius de Césarée, Eustathe de Béryte, Basile de Séleucie et Eusèbe d’Ancyre. « Vous voyez par ce passage du rescrit impérial, fit-il observer en interrompant la lecture, que je ne suis pas le seul responsable de ce qui s’est passé à Éphèse. L’évêque Juvénal, l’évêque Thalassius et les autres partageaient avec moi l’autorité sur l’assemblée, et de plus tout ce que nous avons jugé, le concile l’a approuvé de vive voix et par écrit. On en a fait le rapport à l’empereur Théodose, d’heureuse mémoire, qui l’a confirmé par une loi générale. » À cette assertion, que le concile avait tout approuvé, un démenti violent se fit entendre du côté des Orientaux. « Cela est faux, réclama-t-on de toutes parts, personne n’a consenti, nous avons été forcés, — nous avons été frappés, — on nous a fait souscrire un papier blanc, — on nous a menacés d’exil, — des soldats nous ont fait signer sous leurs bâtons et sous leurs épées, — quel concile que celui qui se tient avec des épées et des bâtons ! — Dioscore avait ses raisons en faisant entrer des soldats ; — hors d’ici le meurtrier ! — les soldats ont déposé Flavien ! » Du côté des Égyptiens, on entendait des propos ironiques tels que ceux-ci : « de quoi se plaignent-ils ? ce sont ces évêques-là qui ont souscrit les premiers ! » Et, comme à ces mots des protestations se firent entendre dans les rangs des clercs, les évêques d’Égypte se retournèrent furieux, « Qui est-ce qui crie là-bas ? dirent-ils. Pourquoi laisse-t-on crier des clercs ? Qu’on les mette dehors, qu’on chasse les gens étrangers au concile ! »

Le niveau des colères montait rapidement. Alors les récriminations commencèrent au sujet des violences employées par Dioscore et sa faction pour faire signer la condamnation de Flavien. Étienne d’Éphèse raconta le siège de son évêché, assailli par trois cents sol-