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consistoire public, les parties présentes, se crut obligé de réfuter la prétention qu’avait affichée Nogaret quelques jours auparavant. « J’ai ouï dire autrefois que quelques docteurs étaient d’opinion qu’un excommunié pouvait être réputé absous par la seule salutation du pape, ou quand le pape lui avait parlé sciemment ; mais je n’ai jamais cru cette opinion véritable, à moins qu’il ne fût constant d’ailleurs que l’intention du pape avait été d’absoudre l’excommunié : c’est pourquoi je déclare qu’en cette affaire ni en aucune autre je n’ai jamais prétendu absoudre un excommunié en l’écoutant, en lui parlant ou en communiquant avec lui de quelque manière que ce soit. » L’année suivante, le concile de Vienne trancha la question dans le même sens, et condamna la doctrine des canonistes allégués par Nogaret.

On ne sortait pas d’un cercle de perpétuelles redites. Nogaret soutenait que Boniface n’avait jamais été pape, rappelait son éternel : Intravit ut vulpes, regnavit ut leo, moritur ut canis. S’il a été quelque chose en l’église, il a été comme Lucifer fut dans le ciel. Les Colonnes s’étaient avec raison opposés à son élection ; voilà pourquoi le haineux vieillard les a écrasés. Les défenseurs prétendaient qu’il fallait un concile pour juger un pape. — Oui, un pape vivant, répondaient les accusateurs, mais non un pape mort. Le jugement d’un de ses successeurs suffit en pareil cas. — Les bonifaciens alléguaient les démonstrations de piété que Boniface fit à sa mort. — Cela ne suffit pas, disaient les Français. C’étaient des feintes ; il fallait d’ailleurs qu’il abjurât publiquement. — Selon la méthode ordinaire des publicistes de Philippe le Bel, on poussait, dès qu’il s’agissait de servir les vues du roi, les droits de la papauté aux exagérations les plus insoutenables. S’agissait-il de condamner Boniface, le pape était de plein droit soumis au concile. S’agissait-il du droit qu’avait Clément de condamner Boniface, le pape devenait l’église entière et n’avait plus besoin du concile.

Les Gaetani ne manquaient pas d’alléguer que le roi avait récompensé Nogaret de ses services en cette affaire, qu’il l’avait reçu en son palais et dans son intimité, lui avait donné des terres, des châteaux et de grands biens, qu’il l’avait fait son chancelier : d’autres fois ils affectaient de le présenter comme un simple domestique, un familier du roi, non comme un vrai chevalier ; mais l’accusation usait de l’avantage que donnent devant des juges médiocres l’outrage et l’impudence. Une pièce, sortie, selon toute apparence, de la plume de Nogaret, résume toutes les autres. Après avoir loué les rois de France, qui ont été de tout temps les zélateurs de la religion, et n’ont jamais souffert l’oppression de l’église par les tyrans et les schismatiques, après avoir loué aussi l’église gallicane, qui est le