Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 98.djvu/772

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que leur vie était exposée. Rainaldo protesta à Nîmes par un acte du 25 avril 1309. Il y eut en toute cette affaire, du côté de Nogaret et de ses complices, tant de roueries et d’impostures, qu’il est permis de croire que l’attaque dont il s’agit fut une collusion. Nogaret tenait beaucoup à se donner l’air d’une victime et à présenter les Gaetani comme des gens violens et puissans contre lesquels il avait besoin d’être protégé.

Le 3 juillet 1309, le roi écrit de Saint-Denis au pape pour se plaindre que l’affaire n’avance pas, que cependant les témoins meurent, que les preuves périssent. Enfin le 13 septembre 1309 sort une bulle de Clément V, datée d’Avignon. « Au commencement de notre pontificat, lorsque nous étions à Lyon et ensuite à Poitiers, le roi Philippe, les comtes Louis d’Évreux, Gui de Saint-Pol et Jean de Dreux, avec Guillaume de Plaisian, chevalier (on remarquera l’absence du nom de Nogaret), nous demandèrent instamment de recevoir les preuves qu’ils prétendaient avoir que le pape Boniface VIII, notre prédécesseur, était mort dans l’hérésie. » Le pape n’a garde de croire une telle accusation ; néanmoins il assigne ceux qui veulent charger Boniface, sans en excepter les princes, à comparaître devant lui à Avignon le lundi après le second dimanche de carême prochain, pour déposer de ce qu’ils savent. Le roi, ne s’étant pas rendu partie dans cette affaire, n’était pas compris dans la citation.

Vers le mois d’août ou septembre, les bonifaciens durent faire quelque protestation, que le parti français affecta de regarder comme injurieuse pour le roi. Le pape, qui voyait combien la modération était nécessaire avec un adversaire tel que Nogaret, en fut mécontent, et dit aux bonifaciens qu’ils agissaient comme des fous. Nogaret et les conseillers du roi s’emparèrent avidement de ce tort apparent, comme ils l’avaient déjà fait pour l’incident de Rainaldo, et se posèrent en offensés. On parla même de fabrication de fausses lettres apostoliques ; on fit sonner bien haut certaines assertions qu’on prétendit contraires à la foi et au pouvoir des clés de saint Pierre. Tout devenait crime de la part des Gaetani entre les mains d’un subtil accusateur, habile à intervertir les rôles et à soutenir qu’on offensait le roi son maître. Ces torts vrais ou prétendus des bonifaciens furent le prétexte d’une nouvelle campagne diplomatique que Philippe entreprit vers le mois de décembre 1309 auprès de Clément. L’inquiète activité de Philippe nécessitait de perpétuelles ambassades. Une foule d’affaires de première importance le préoccupaient : l’entente, selon lui trop complète, du pape et de Henri de Luxembourg, le projet favorisé par le pape d’un mariage entre le fils du roi de Naples et la fille de l’empereur, qui