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Euphémie, une des saintes les plus vénérées de l’Orient. On y montait par une pente insensible ; mais lorsqu’on avait atteint le sommet du coteau, on voyait se déployer aux regards un spectacle merveilleux : d’un côté, la mer, ici tranquille, là plus ou moins agitée, et jetant son écume sur les rochers de la rive; de l’autre, de hautes montagnes couvertes d’antiques forêts; au fond de la vallée, des prairies à perte de vue, des moissons jaunissantes, des vergers couronnés des plus beaux fruits; en face, la ville de Constantinople, s’étageant sur la côte européenne du Bosphore, servait de fond à ce magnifique tableau. La basilique elle-même était digne de cet encadrement par la beauté de son architecture. On y entrait par une vaste cour rectangulaire, garnie d’une colonnade, et formant péristyle à un ensemble d’édifices. L’église, de la même dimension et d’une ordonnance pareille, conduisait à un oratoire circulaire surmonté d’une coupole qu’entourait une galerie d’où l’on pouvait entendre l’office. C’était là le martyrium proprement dit, lequel contenait dans sa partie orientale le tombeau de la sainte et son corps enfermé dans une châsse d’argent. La croyance générale était qu’il s’opérait en ce lieu beaucoup de miracles. Dans les temps de désastres ou de dangers publics, l’archevêque de Constantinople, averti par certains signes, prévenait à son tour l’empereur, et l’on se rendait processionnellement à l’oratoire, l’empereur et l’impératrice en tête, puis les magistrats, le clergé et tout le peuple de Constantinople. Entré seul dans le sanctuaire, l’archevêque s’approchait du sépulcre, et, par une petite ouverture pratiquée au côté gauche du monument, il introduisait une tige de fer portant une éponge qu’il retirait pleine de sang; ce sang, considéré comme un préservatif contre tous les maux, était ensuite distribué par gouttes et envoyé dans des fioles jusqu’aux extrémités de l’empire. Sous un portique couvert attenant à l’oratoire se trouvait un grand tableau sur toile, dû au pinceau d’un peintre célèbre et représentant la vie et la mort d’Euphémie martyrisée au temps de Dioclétien. On l’y voyait brillante de jeunesse et de beauté, revêtue du manteau brun des philosophes, indice de sa profession religieuse et de sa consécration au Christ. Saisie par des soldats et conduite devant le juge, puis livrée aux bourreaux, elle traversait d’étape en étape, à travers la flamme et le fer, le chemin qui la menait à sa fin glorieuse. La vierge Euphémie, patronne de Chalcédoine, en était aussi l’oracle et jouissait auprès des fidèles d’une confiance et d’une autorité illimitées en toute matière. Nous verrons plus tard les pères du concile venir la consulter au fond de son tombeau sur une des interprétations les plus délicates du dogme chrétien.

C’est là que s’ouvrit la première session du concile le 8 octobre 451. Elle s’ouvrit avec trois cent soixante évêques seulement, mais au