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s’opposer à toute extension du territoire allemand du côté du Zuiderzée. Convenait-il d’ailleurs de s’effrayer avant l’heure ? On a peu de goût en Hollande pour la prévision des éventualités à longue échéance. L’unité allemande n’était pas encore faite, on ne prévoyait guère que le gouvernement impérial allait en hâter la cimentation ; la Prusse avait bien assez sur les bras en Allemagne même ; l’épée de la France avait encore la réputation d’être la mieux affilée de l’Europe, et l’Angleterre celle de venir énergiquement au secours de ses alliés. Depuis lors cependant les questions de réorganisation militaire, de défense nationale, de fortifications nouvelles, se posèrent avec une vivacité inconnue. La ligne de l’Yssel, dont on n’avait guère entendu parler jusque-là, fut soigneusement étudiée au point de vue de la défense, et des monitors destinés à opérer sur les côtes et les fleuves furent adjoints à la flotte néerlandaise.

Il serait oiseux de démontrer longuement que les résultats de la dernière guerre ont aggravé les inconvéniens de la position géographique des Pays-Bas. L’Allemagne ou, pour mieux dire, la Prusse, maîtresse de l’Allemagne entière, est plus formidable que jamais. La France mutilée étanche du mieux qu’elle peut le sang qui coule encore de ses blessures, et se trouve hors d’état de s’intéresser activement à d’autres qu’elle-même. L’Angleterre paie déjà cher l’inconcevable mollesse dont elle a fait preuve dans le conflit franco-allemand. On en vient à croire désormais en Europe que, là même où son intérêt lui commanderait impérieusement d’intervenir, elle est incapable d’adopter une politique décidée, et qu’il n’est pas de calcul plus faux que celui qui consiste à lui rendre service dans l’espoir d’être soutenu par elle. La Hollande se trouve donc aussi isolée qu’il est possible de l’être, à côté, presque dans les serres, d’une puissance conquérante très disposée à prendre ses convoitises pour des droits.


I

Des convoitises de ce genre existent-elles en Allemagne, et la Hollande pourrait-elle espérer que la probité de la nation allemande, enfin maîtresse d’elle-même, sera un rempart aussi solide que l’ancienne neutralisation des seules forces dont elle eût quelque chose à craindre ?

Il y a des Hollandais qui s’en flattent. Les étrangers qui connaissent l’Allemagne et qui ont causé avec des Allemands ne sauraient partager cette illusion. Ces Hollandais optimistes ne se disent peut-être pas qu’ils sont les derniers devant lesquels des Allemands osent dire brutalement qu’ils méditent l’annexion volontaire ou non de