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l’Italie, avec l’Espagne, avec la Belgique, avec tous ceux qui l’entourent, et que la nature des choses refera invinciblement ses alliés.

Aujourd’hui heureusement tous les nuages sont à peu près dissipés du côté de l’Italie. De cette question dénaturée, exagérée et obscurcie par toutes les passions, il ne reste plus rien, ou du moins les relations des deux pays sont redevenues ce qu’elles devraient être toujours, simples et cordiales. M. Fournier est arrivé à Rome comme ministre de France, et il a été reçu par le gouvernement italien, par le roi Victor-Emmanuel lui-même, avec un empressement marqué. D’un autre côté, l’orage toujours suspendu sur l’assemblée française de Versailles par la menace d’une discussion passionnée sur ces pétitions qui ont la naïveté de nous demander le rétablissement du pouvoir temporel du pape, cet orage a été habilement écarté par une intervention directe, opportune, de M. le président de la république. M. Thiers n’a eu aucune peine à démontrer que ce n’était pas le moment d’agiter de semblables questions, et M. l’évêque d’Orléans a compris qu’il ne devait pas insister, qu’il ne devait pas provoquer une discussion peut-être dangereuse pour la France et sans profit possible pour la cause qu’il voulait servir. Tout s’est terminé ainsi, de sorte qu’à Versailles comme à Rome la question a cessé de peser sur les esprits.

Cela n’empêche pas sans doute les fauteurs de discordes de crier plus fort que jamais. Est-ce qu’ils n’imaginent pas aujourd’hui d’annoncer la grande combinaison machiavélique, l’alliance de la Prusse, de l’Italie, de l’Espagne et des bonapartistes pour la restauration de l’empereur Napoléon en France ? Ils ne savent peut-être pas tout, ils ignorent que récemment un des principaux diplomates de l’Europe, se trouvant à Londres, est allé voir celui qui fut l’empereur. Ce diplomate, poussant la politesse jusqu’au bout, a cru pouvoir flatter la majesté déchue en lui laissant entrevoir pour son fils la possibilité d’un retour de fortune, d’une restauration. « Et moi donc ! » a répliqué Napoléon III. L’empereur, lui aussi, compte peut-être que la Prusse l’aidera un jour à remonter sur son trône, et que nous fournirons des prétextes à la Prusse, qui trouverait alors le concours de l’Italie. N’importe, s’il ne s’agit que de cela, nous pouvons encore dormir tranquilles. Que la meilleure intelligence existe entre l’Italie et la Prusse, ce n’est pas, en vérité, bien surprenant, et il peut même dépendre de ceux qui voudraient imposer à la France une politique de théocratie de transformer cette intelligence, jusqu’ici assez platonique, en alliance plus effective ; s’ils réussissaient, cela arriverait sans doute. On n’en est pas là heureusement. Pour nous, ce qui doit être la pensée essentielle de toute politique prévoyante, c’est de maintenir des relations telles que l’Italie et la France, affranchies de toute crainte, de toute excitation factice, puissent suivre leur penchant naturel, aller là où les appellent leurs intérêts. Cela fait, le choix des deux pays n’est point douteux.

ch. de mazade.