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romaines dont on faisait un fantôme menaçant pour nos relations avec l’Italie. Elle a passé ses dernières séances à voter sans s’arrêter le budget de l’année courante, ajournant un examen plus attentif de notre situation financière, ajustant pour le moment les recettes et les dépenses avec des expédiens, par un emprunt à la dette flottante ou à d’autres ressources extraordinaires. L’assemblée est partie sans laisser derrière elle aucun danger prochain, emportant au contraire les paroles les plus rassurantes de M. le président de la république pour l’ordre intérieur et pour la paix extérieure, de sorte que tout est pour le mieux, tout suit son cours naturel sans bruit et sans trouble inquiétant.

C’est déjà beaucoup sans doute qu’il en soit ainsi, qu’une situation chargée du poids de tant de catastrophes, menacée de tant de côtés, ait pu être ramenée à des conditions presque naturelles, que la patience et le temps peuvent améliorer encore. Oui, tout cela ressemble assez à une certaine régularité renaissante, à une certaine sécurité relative dont rien ne peut mieux donner l’idée que la brillante et significative allocution par laquelle M. le président de la république vient de souhaiter un bon voyage et un prompt retour à nos représentans, pressés de se disperser. Il y a seulement un certain nombre de questions qui viennent aussitôt à l’esprit. Dans quelle mesure la réalité répond-elle à ces rassurantes apparences ? Quelle est la signification véritable de cet apaisement qui se fait sentir un peu partout ? Dans cette session de quatre mois, dont on éprouve le besoin de se reposer, et qui est coupée aujourd’hui par une nouvelle interruption des travaux parlementaires, quels progrès décisifs a faits l’œuvre de la réorganisation nationale ? Par quels actes un peu marquans, d’un ordre supérieur, l’assemblée et le gouvernement ont-ils attesté leur initiative dans la politique, dans l’administration, dans les finances ? Jusqu’à quel point même s’est-on rapproché, non pas de ce régime définitif qui est la chimère obstinée de certains esprits, mais de cette fixité sérieuse de conduite qui tient à une situation dégagée de toute obscurité, à des rapports simples, naturels et aisés entre les pouvoirs publics, qui a pour conséquence la suite dans les desseins, une certaine vigueur soutenue dans l’action ? Et quand on se pose ces questions, malgré soi on en vient bientôt à se dire que, s’il n’y a aucun motif d’inquiétude immédiate, il n’y a non plus aucune illusion à se faire, que cet apaisement est peut-être bien tout simplement le résultat d’une certaine fatigue universelle, de la neutralisation de toutes les forces, — que ce qu’on appelle la marche régulière des choses ressemble parfois étrangement à un retour aux vieilles habitudes, aux vieilles routines.

On se dit que, si le gouvernement a une autorité incontestée qu’il doit surtout à l’expérience, à l’habileté de son chef, il se résume peut-être trop quelquefois dans cet illustre chef, il n’a pas la force d’ensemble, l’unité d’action qu’il devrait avoir, — que, si l’assemblée a une bonne volonté inépuisable, elle a encore plus d’incohérence, que toutes ces