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colossales, sans surveillance, sans contrôle. Quoi d’étonnant s’il survient parfois quelques scandales comme ceux dont le chemin de fer de New-York au lac Érié fut le théâtre en ces dernières années ?


II

Il existe en Amérique, entre les états de l’Atlantique et les états de l’ouest, un immense courant commercial dont il importe de bien connaître le caractère. L’ouest produit du bétail, des céréales, du chanvre, du tabac, des bois de construction. Le commerce s’y concentre dans quelques villes de création récente, à Cincinnati pour le Kentucky et la vallée de l’Ohio, à Saint-Louis pour les plaines qui s’étendent entre le Mississipi et les Montagnes-Rocheuses, à Chicago pour les produits agricoles que la contrée environnante donne à profusion. Si cette région de l’ouest fournit des matières premières, en revanche elle réclame les objets manufacturés qu’elle ne possède pas, car l’industrie y est presque nulle. Elle n’a qu’un port de grande importance, c’est Chicago sur le lac Michigan ; de plus, la navigation entre ce port et l’Atlantique par les lacs et le Saint-Laurent est lente et détournée. L’ouest pourrait bien envoyer ses productions au sud, à la Nouvelle-Orléans par la voie du Mississipi ; mais la Nouvelle-Orléans n’a ni l’industrie ni l’activité commerciale de New-York, de Boston et de Philadelphie. Même pour les denrées de la zone tropicale, dont la Nouvelle-Orléans serait l’entrepôt naturel, les gens du far-west trouvent préférable de s’approvisionner du côté de l’Atlantique. Il y a donc entre l’Atlantique et l’ouest, en dépit de la chaîne des Alleghanys qui les sépare, un négoce considérable. Ce courant commercial s’écoule par cinq grandes voies de communication, dont voici la direction et le tracé.

La voie la plus ancienne est le canal qui va de l’Hudson au lac Érié, entre les villes d’Albany et de Buffalo ; il fut ouvert en 1825, à une époque où l’on ne songeait pas encore aux chemins de fer. Creusé d’abord en petite section avec 1m,20 de hauteur d’eau, agrandi un peu plus tard, ce canal, qui a 580 kilomètres de long, fut l’œuvre d’un état qui n’avait pas alors plus de 1,500,000 habitans. D’autres canaux secondaires en communication avec celui-là portèrent à 1,500 kilomètres la longueur des voies navigables. Le congrès s’est heureusement gardé d’aliéner ce vaste réseau, qui relie les lacs Érié, Ontario et Champlain aux fleuves de l’Hudson, du Saint-Laurent et de la Delaware.

Lorsque survint l’ère des chemins de fer, de petites compagnies entreprirent, chacune pour son compte, des fragmens de ligne entre