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de Du Bois sont des prétextes pour exposer les vues les plus hardies, et qu’il a peine à dissimuler une grande indifférence pour la conquête de la terre-sainte, on croit voir plus de bonne foi dans Nogaret. Il est fâcheux cependant que le premier point de tous ces projets soit toujours de mettre l’argent de l’église entre les mains du roi ; on se demande si, cela fait, quelque chose eût suivi. Ce qui jusqu’ici a empêché, selon Nogaret, la réussite de l’œuvre de terre-sainte a été l’abomination des templiers, et il en serait encore de même à l’avenir, si on ne les offrait en sacrifice expiatoire à Dieu. La première chose à faire, c’est de chasser de l’église cette monstruosité. Que le roi Philippe ensuite se charge de la croisade, que tous les princes chrétiens y contribuent, et pour cela fassent la paix entre eux. La royauté et l’église doivent s’interdire le luxe et les dépenses qui ruinent les nations chrétiennes et réserver toutes leurs économies pour la guerre sainte. Aucune personne ecclésiastique ou séculière ne pourra raisonnablement se plaindre, si, les ressources nécessaires à sa vie et à celle de ses proches étant assurées, tout le reste est employé pour le combat du Christ. Par là d’ailleurs, tant de vices et de crimes dont l’oisiveté est la source seront corrigés.

Le projet de Nogaret se résume dans les points suivans : 1° après la condamnation des templiers, affecter leurs biens à l’œuvre de terre-sainte ; en attendant, estimer ces biens et en garder provisoirement tous les fruits, qu’on remettra au roi pour ladite œuvre ; 2° faire le même calcul pour les biens de l’ordre de Saint-Jean-de-Jérusalem ; en capitaliser tous les fruits ; procéder de même pour l’ordre teutonique et les autres ; mettre leurs biens entre les mains du roi ; 3° en faire autant pour toutes les églises cathédrales, abbayes, collégiales, etc. ; 4° les prieurés et paroisses donneront la dîme simple ou double ; 5° les revenus des prieurés ruraux où ne se fait pas le service divin seront affectés tout entiers à ladite œuvre ; 6° tous les legs faits à l’œuvre de terre-sainte, tant en France que dans les autres royaumes, seront remis au roi ; 7° à la même œuvre appartiendront les revenus des établissemens conventuels où il y a peu de moines et où l’hospitalité ne se pratique plus, sauf la portion congrue pour chaque moine ; 8° pendant le temps de la croisade, on attribuera au roi les revenus d’un canonicat et d’une prébende dans toute église cathédrale et collégiale du royaume et de toutes les terres de l’église romaine et des églises qui lui sont immédiatement sujettes ; 9° le roi jouira, pendant le temps de la croisade, d’une année du revenu de tous les bénéfices vacans dans les pays susdits ; 10° qu’il en soit de même dans tous les autres royaumes de la chrétienté. Au roi encore soient attribués les annates, les biens acquis ou retenus illicitement qui ne peuvent commodément être