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une charte datée de Paris, juillet 1304. La conversion des 500 livres fut faite quelques jours après. Le roi, étant à Arras le lundi après la Madeleine, assigna cette dernière rente sur le château et la viguerie de Cauvisson, à trois lieues de Nîmes, et sur le pays de la Vaunage, au diocèse de Nîmes, ne s’y réservant que l’hommage. Plusieurs autres terres nobles et des droits féodaux considérables complétèrent la donation royale. On n’avait jamais vu jusque-là d’aussi importantes aliénations du domaine faites en faveur d’un particulier. Nogaret se trouva constitué principal seigneur de toute la campagne qui s’étend depuis Nîmes jusqu’à la mer et du cours inférieur de la Vidourle. Il se vit en quelque sorte transplanté du Lauraguais, son pays natal, sur la frontière de Provence. De tous ces titres, le plus important était celui de Cauvisson, baronnie donnant entrée aux états du Languedoc. Nogaret jouit de Cauvisson depuis 1304 ; quant aux autres seigneuries, c’est un peu abusivement qu’on en fait Nogaret titulaire avant 1309. Nous le verrons cependant porter le titre de seigneur de Tamarlet depuis le commencement de 1305. Nogaret ne chercha jamais à dissimuler l’importance de ces récompenses, que ses adversaires ultramontains lui reprochaient amèrement.

L’habile chevalier ès-lois connaissait trop bien son siècle pour ne pas sentir que tant de faveurs étaient inutiles, s’il n’obtenait une absolution régulière. La moindre réaction le perdait ; sa mort privait sa famille de tout son bien, puisqu’un excommunié ne pouvait tester ni même avoir d’héritiers. Profitant de la vacance du saint-siège, il se tourna vers l’officialité de Paris, qu’il affectait de regarder comme son juge naturel. Le 7 septembre, veille de la Nativité de la Vierge, au jour anniversaire de l’attentat d’Anagni, il fait enregistrer devant l’official de Paris une longue apologie de sa conduite. Après avoir protesté que, s’il demande l’absolution à cautèle ou autrement pour la sûreté de sa conscience, il n’entend pas reconnaître qu’il est lié en réalité par aucun anathème, il renouvelle son attaque contre Boniface. Ce pape a été hérétique, idolâtre, simoniaque, sacrilège ; il est entré vicieusement dans la papauté ; il a été dissipateur des biens de l’église, usurier, homicide, sodomite, fauteur de schismes ; il a troublé le collège des cardinaux, ruiné la ville de Rome, les barons, les grands, suscité des divisions en Italie et entre les princes chrétiens ; il a tenté par divers moyens de détruire le royaume de France, principale colonne de l’église romaine ; il a tiré de la France tout l’argent qu’il a pu ; il a convoqué les prélats pour la ruine de la France, excité les rois contre la France, suspendu les universités de France, voulu en un mot détruire l’église gallicane, qui fait une grande partie de l’universelle. Lorsque les ecclésiastiques et les