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vers le 10 février, des récompenses que le roi lui accorda pour ses services passés. Au don de 300 livres de rente qu’il avait fait à Nogaret avant le départ pour l’Italie, Philippe ajouta 500 nouvelles livres de rente sur le trésor royal de Paris, en attendant que ces rentes pussent être assignées sur des terres. A la même date, nous trouvons une faveur royale plus singulière. Le jour des cendres de l’an 1304 (11 février), Philippe le Bel, se trouvant à Béziers, donne aux quatre inséparables, à Bérard de Mercœur, à Pierre de Belle-perche, à Guillaume de Nogaret et à Guillaume de Plaisian, qualifiés milites et nuntii nostri, plein pouvoir de mettre en liberté toute personne, laïque ou ecclésiastique, détenue en prison pour n’importe quel motif. Il est regrettable que le nom de Nogaret soit mêlé a une mesure aussi peu légale. Triste magistrat que celui qui, pour récompense de ses services politiques, acceptait le droit de vendre à son profit la liberté aux prisonniers ! Il est vrai que les prisons de l’inquisition du midi recelaient à cette époque tant d’innocentes victimes, que le privilège exorbitant conféré à Nogaret et à ses compagnons fut sans doute pour plusieurs malheureux une réparation et un bienfait.

Dans la pièce que nous venons de citer, Nogaret est qualifié nuntius sur le même pied que les trois ambassadeurs. Après beaucoup d’hésitations en effet, Nogaret finit par être attaché à l’ambassade qu’il avait conseillée. Le 14 février, Mercœur, Belleperche et Plaisian sont investis par lettres patentes, datées de Nîmes, des pouvoirs nécessaires pour recevoir (non pas pour demander) au nom du roi l’absolution des censures que ce prince pouvait avoir encourues. Nogaret ne figure pas dans cet acte ; mais le 21 février les trois mêmes personnages, auxquels cette fois est joint Nogaret, sont chargés par nouvelles lettres patentes, datées de Nîmes, de traiter de la paix avec le pape, sauf les franchises et bonnes coutumes de l’église gallicane. Cette adjonction du sacrilège Nogaret à l’ambassade extraordinaire qui se rendait auprès du saint-siège pour une mission d’un caractère conciliant serait incroyable, si elle ne nous était garantie non-seulement par Nogaret lui-même, mais par un acte officiel dont nous avons l’original. Il faut ajouter que Plaisian, Belleperche et Mercœur n’étaient guère moins compromis que Nogaret avec la cour de Rome.

Un an après le voyage clandestin où l’on avait vu l’envoyé du roi de France marcher de compagnie avec les pires bandits de la chrétienté, Guillaume de Nogaret partit donc de nouveau pour l’Italie, cette fois comme membre d’une ambassade solennelle, avec les plus graves personnages de l’église et de l’université ; mais l’insolent diplomate avait trop présumé de son audace et de la faiblesse de