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dans leurs domiciles, et toutes choses rentrèrent à peu près dans l’ordre ; mais le bouleversement avait été long et désastreux. Théodosius, voyant la paix renaître, avait prudemment quitté Jérusalem ; quand il sut que Marcien l’exceptait de l’amnistie, ainsi que ses principaux complices, il s’enfuit avec eux au couvent du Sinaï pour y trouver un asile. L’empereur écrivit aux archimandrites des couvens de la sainte montagne qu’ils eussent à lui livrer ce scélérat couvert de crimes. Les archimandrites répondirent que toutes recherches pour trouver Théodosius avaient été vaines, qu’il errait probablement, on ne savait où, dans les cavernes et les forêts, parmi les bêtes sauvages. Il était aisé de deviner que l’homme traqué si soigneusement vivait tranquille parmi ses frères du Sinaï, eutychiens comme lui, sous l’inviolabilité d’une foi commune.

Au reste, l’autorité de cet intrus avait depuis longtemps cessé dans Jérusalem, où les excès de sa tyrannie lui avaient aliéné tous les cœurs honnêtes. Eudocie était bientôt revenue de son aveuglement. Honteuse d’avoir patronné ce misérable et ses complices, elle se retira de la scène des événemens, où de bonne heure son nom n’est plus prononcé. Pulchérie essaya de la ramener à la foi catholique, par Bassa sans doute, puis, et plus sûrement, par sa fille et ses petites-filles, l’impératrice et les princesses d’Occident, qui lui écrivirent de Ravenne à la sollicitation de leur tante ; mais elle n’osa jamais s’adresser directement à elle. Prières, supplications, conseils, Athénaïs rejeta tout, ne voulant pas se donner le rôle d’une criminelle repentante devant cet empire qu’elle avait gouverné pendant vingt ans. Le malheur seul pouvait courber sous sa verge de fer l’orgueilleuse fille de Léontius.

Pulchérie mourut l’année suivante, 453. Sa mort ne fut marquée par aucune circonstance extraordinaire ; elle s’éteignit paisiblement à Constantinople dans la cinquante-quatrième année de son âge, et son corps alla rejoindre ceux de sa famille dans la basilique des Apôtres. Elle laissa de longs regrets après elle, quoique sa tâche principale fût depuis longtemps achevée. Souveraine politique, elle avait dirigé l’empire avec sagesse ; souveraine religieuse, elle avait combattu et triomphé pour l’orthodoxie. Placée par sa rare fortune en face des deux adversaires les plus redoutables qu’eût rencontrés la foi depuis Arius, adversaires opposés entre eux, mais unis pour ébranler l’édifice de la rédemption dans sa double assise, l’humanité du Christ et sa divinité, elle les avait tous les deux attaqués et terrassés tous les deux. C’est la gloire que lui attribua la chrétienté dans sa représentation la plus élevée, et l’on peut dire que cette petite-fille de Théodose eut pour flatteurs et des conciles et des papes. L’église, après avoir glorifié sa vie, honora sa