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authentiques, et leur expose en termes énergiques leurs propres violences. « Et ces choses, ajoute-t-il, vous ne les avez pas faites pour défendre la foi, mais pour usurper des fonctions dont vous êtes tout à fait indignes. Vous rendrez compte de votre impiété et de vos méfaits à Jésus-Christ, notre sauveur, qui certes ne les laissera pas impunis. Pour nous, il nous répugne de sévir contre des moines. Nous avons seulement donné ordre de maintenir la ville de Jérusalem, de la pacifier, et de châtier ceux qui se trouveront coupables d’incendies ou de meurtres. Vous dites encore que l’expression de deux natures vous a troublés comme étant chose absolument nouvelle ; mais de quoi donc vous mêlez-vous ? Sachez le bien, il ne vous appartient pas d’examiner des questions que vous êtes incapables de comprendre. » Et par une condescendance singulière de la part d’un empereur, Marcien va jusqu’à leur expliquer le sens du mot deux natures et rendre ainsi raison de sa foi. Le rescrit du prince se terminait par ces paroles, que malheureusement les actes démentirent : « nous n’avons ordonné de forcer personne à signer ou à consentir contre son gré ; nous ne voulons pas attirer dans les voies de la vérité par les menaces ou par la violence. »

Cette lettre est assurément étrange ; elle montre une fois de plus encore à quel point les exigences religieuses pesaient sur ces autocrates du monde romain, si absolus en politique. Qui ne verrait sans surprise ce vieux soldat, devant lequel Attila reculait, donner des explications théologiques à des moines ignorans, dissiper les bruits calomnieux, et d’un soin jaloux venger son orthodoxie qu’un autre moine avait osé contester ? Pulchérie voulut répondre à son tour pour se dégager elle-même de l’inculpation d’hérésie, en même temps que le « très sacré et très pieux empereur, époux de sa sérénité. » Sa lettre est un résumé de celle du prince. Elle écrivit aussi à l’abbesse d’un des couvens de Jérusalem, appelée Bassa, car les religieuses n’étaient pas en reste sur les moines en fait d’opposition au concile de Chalcédoine, et plus d’un monastère de femmes était entré en révolte. Pulchérie fait à Bassa une ample déclaration de sa foi et la prie d’être son avocate auprès de toutes « les femmes consacrées » qu’auraient pu influencer les mensonges de Théodosius. Bassa voyait familièrement Eudocie, et à l’instigation de Pulchérie peut-être cherchait-elle à la ramener au giron de la foi catholique ; ses efforts n’obtinrent pas un grand succès.

Les instructions de l’empereur Marcien à Dorothéus recommandèrent la douceur dans la répression, et la révolte fut étouffée sans effusion de sang. Les moines virent cesser les casernemens de troupes et de chevaux dans leurs couvens ; les étrangers furent renvoyés