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bravèrent le concile en face lors de sa troisième action, et auxquels l’assemblée fixa un délai de trente jours pour venir à résipiscence et se soumettre. Ni Carosius ni ses adhérens n’attendirent l’expiration du délai pour proclamer leur impénitence finale et leur séparation d’un concile qu’ils qualifiaient de nestorien. On les chassa de leurs monastères : ils tinrent des conciliabules dans la ville ; on dispersa leurs conciliabules à coups d’épée : ils les reformèrent dans la banlieue de Constantinople, et l’on vit, comme au temps des joannites, des prêches en plein vent, des baptêmes dans les piscines publiques, des célébrations de mystères dans les cavernes et dans les bois. Carosius et Dorothée, poussés de proche en proche par la persécution, furent obligés de s’exiler : on les traqua dans leur exil, et, suivant l’expression d’un des légats du pape, « on les mit dans un lieu où ils ne pouvaient plus nuire. » Ce lieu était tellement triste, et le séjour tellement insupportable, que Carosius finit par demander merci et se soumettre à ce qu’on voulut : ce ne fut pourtant qu’après la mort de Dioscore, au bout de six ans de captivité ; quant à Dorothée, il ne fléchit jamais.

L’établissement de l’eutychianisme en Égypte, d’où il ne sortit plus, fut accompagné de catastrophes bien autrement lamentables. Après la déposition de Dioscore, le concile avait eu l’idée de lui choisir directement un successeur qu’on enverrait tout ordonné dans sa métropole ; mais le caractère bien connu des habitans d’Alexandrie et la disposition des esprits dans cette ville turbulente firent renoncer bientôt à ce projet : l’on préféra que le patriarche fût nommé sur les lieux. En conséquence, les quatre évêques égyptiens qui s’étaient séparés de Dioscore, lors de la première séance du concile, pour passer du côté des catholiques, partirent avant la fin de la session avec une lettre de l’empereur destinée au préfet d’Égypte. La lettre lui recommandait de prêter assistance aux quatre évêques pour faciliter l’élection d’un archevêque catholique. « Il fallait, disait l’empereur, préparer habilement les choses et prendre à l’avance toutes précautions pour que l’éveil ne fût pas donné aux fauteurs de désordres ainsi qu’à la populace : » La recommandation était sage, et le préfet s’y conforma ; mais, une réunion des nobles et des principaux de la cité ayant eu lieu par ses soins, ceux-ci déclarèrent qu’ils ne pouvaient considérer le trône épiscopal comme vacant, tant que Dioscore vivrait, et que par conséquent ils ne procéderaient à aucune élection pour le remplacer. Dioscore en effet, malgré ses vices personnels et sa tyrannie, était à leurs yeux l’évêque légitime auquel Alexandrie et l’Égypte restaient d’autant plus dévouées qu’il semblait un martyr des doctrines traditionnelles de son église. Cette première tentative ayant échoué, le préfet prit mieux ses mesures