Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 98.djvu/525

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et avaient laissé leurs familles dans leurs villes épiscopales. Connaissant l’animosité qui régnait non-seulement dans la ville métropolitaine, mais dans tout l’exarchat, contre les prétentions juridictionnelles du siège de Constantinople, ils n’avaient pas vu sans terreur décréter la nomination d’un évêque d’Éphèse, soit par l’archevêque de la ville impériale, soit par le concile lui-même. Ils craignirent qu’on ne leur imputât à crime, s’ils ne s’y opposaient pas, d’avoir livré les droits électoraux de leur province, et que le peuple en fureur ne s’en vengeât sur leurs enfans. Ces malheureux restaient donc là dans l’attitude de la supplication, tremblans, baignés de larmes, attendant que l’assemblée, touchée de leurs périls, trouvât quelque moyen de les protéger. Cette scène en effet avait quelque chose d’émouvant, et les magistrats en parurent troublés, car ils connaissaient les fureurs de la populace déchaînée dans ces petites républiques de l’Asie. Pour se bien rendre compte de ce que le danger avait de sérieux en réalité, ils demandèrent au concile dans quel lieu l’évêque d’Éphèse devait être nommé suivant la règle des canons. Là-dessus éclata une grande diversité d’opinions. « Il doit être nommé dans la province, répondirent beaucoup de voix. — C’est une erreur, interrompit Diogène de Cyzique, l’usage veut que l’évêque d’Éphèse soit ordonné à Constantinople ; si l’on avait suivi l’usage, nous n’aurions pas à déplorer les scandales qui s’étalent en ce moment sous nos yeux. Dans la province on ordonne des gens de néant, et c’est la source de tous les maux. » L’opinion. de l’évêque Diogène trouva un contradicteur dans Léontius de Magnésie. « Depuis saint Timothée, dit-il, vingt-sept évêques ont été ordonnés à Éphèse, Basile seul l’a été à Constantinople, et des meurtres, comme on sait, ont ensanglanté son avènement. » Philippe, prêtre de Constantinople, prit la parole après lui pour le combattre. « S’il en était ainsi, dit-il avec chaleur, comment donc le saint archevêque Jean Chrysostome, lorsqu’il se rendit en Asie, aurait-il déposé quinze évêques et en aurait-il nommé quinze autres à leur place1, si ce n’est parce que son siège avait juridiction sur celui d’Éphèse ? L’évêque Memnon fut confirmé à Constantinople, Héraclides et d’autres furent ordonnés du consentement de notre patriarche ; enfin le bienheureux Proclus a lui-même ordonné Basile. Voilà le droit, voilà les canons. » Les magistrats, voyant qu’on ne pouvait s’entendre, renvoyèrent l’affaire au lendemain.

Le lendemain 30 octobre, l’assemblée reprit la question d’Éphèse ; les magistrats, non moins que les évêques, étaient pressés d’en finir. « Notre assiduité au concile, dirent-ils en ouvrant la séance, porte préjudice aux affaires publiques ; nous vous prions donc de nous dire s’il vous est venu quelque nouvelle lumière, qui termine