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déposition de l’évêque Olympius, son unique ordonnateur, qui démon trait précisément le contraire, il ne put se contenir et s’écria : « Il ment ! » Etienne n’était pas plus maître de lui-même, et, quelqu’un ayant dit que Bassianus était resté évêque d’Éphèse pendant quatre ans : « Dites tyran d’Éphèse ! » interrompit-il avec colère. Au milieu du désordre, deux évêques d’Asie, s’avançant en face des magistrats, prononcèrent ces paroles tant en leur nom qu’en celui des autres suffragans de la province : « La justice et les canons ont été violés ; dans l’expulsion de Bassianus ; c’est lui que nous reconnaissons pour évêque d’Éphèse. » Leur déclaration décida l’assemblée, et de toutes parts on entendit, crier : « C’est juste, les canons le veulent ; nous pensons tous ainsi. » La cause de Bassianus était gagnée dans le concile. Elle ne l’était pas pour les magistrats, à qui cette décision parut mauvaise, sans pourtant qu’ils s’intéressassent à la cause d’Etienne ; mais les faits qui avaient accompagné l’élection et l’intronisation du premier leur paraissaient tellement entachés de manœuvres coupables qu’ils ne pouvaient se décider à le proclamer évêque légitime. Ils en conférèrent ensemble avec vivacité, puis leur chef dit au concile : « Notre avis à nous est que ni Bassianus, ni Etienne ne sont dignes d’occuper le siège d’Éphèse, Bassianus parce qu’il s’y est intrus violemment, Etienne parce qu’il a employé pour y parvenir l’intrigue et l’artifice : nous estimons en conséquence qu’il y a lieu d’en instituer un troisième ; toutefois ce sera à vous de décider. » Ce parti, qui frappait à la fois les deux coupables et tranchait au vif toutes les difficultés canoniques, plut à une majorité que tourmentaient encore bien des scrupules. La proposition des magistrats fut donc accueillie avec applaudissemens. « Ce jugement est juste, répétait-on dans l’assemblée ; c’est le jugement de Dieu, vous êtes les gardiens des canons, les gardiens des lois. » Consulté s’il voulait revenir de sa première décision, le concile répondit affirmativement, et un décret fut voté qui ordonnait l’élection d’un troisième évêque en remplacement des deux autres. L’assemblée, comme soulagée d’un grand poids, fit suivre le vote de cette acclamation : et longues années aux magistrats ? longues années au concile ! »

Si bonne qu’elle parut à la majorité, la nouvelle décision provoqua un incident grave et tout à fait inattendu. On avait pu remarquer pendant le vote un grand mouvement parmi les évêques du diocèse d’Asie, qui semblaient se concerter. A un signal donné, ils quittèrent leurs places tous ensemble, et, gagnant le milieu de la nef, ils se prosternèrent la face contre terre, les bras tendus vers le concile. « Ayez pitié de nous, disaient-ils ; c’est notre mort que vous décrétez ; on égorgera nos enfans ! Ayez pitié de nos enfans ; ayez pitié die nous ! » Ces évêques, à ce qu’il paraît, étaient tous mariés,