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qui m’ont ordonné, c’est Olympius de Théodosiopolis : il rendra témoignage en ma faveur. L’empereur a confirmé mon élection, et le révérendissime Proclus non-seulement a communiqué avec moi à Constantinople, mais il m’a envoyé depuis lors ses lettres synodiques. Quatre ans entiers, j’ai gouverné l’église d’Éphèse, ordonné dix évêques et un grand nombre de clercs. Pendant que j’étais là, administrant à la satisfaction de la ville, un complot éclata dans mon église, et je fus dénoncé. L’empereur sur mes explications m’ayant donné gain de cause, mes ennemis furieux m’arrachèrent de l’autel où je venais d’officier, me dépouillèrent de mes vêtemens épiscopaux, me volèrent ce que je possédais, et prirent un d’entre eux pour le faire évêque : c’est Etienne que voilà. »

Quand Bassianus eut fini cet exposé, tout à l’avantage de sa cause, ce fut le tour d’Etienne, qui raconta les mêmes faits d’une façon toute différente. Invoquant aussi le témoignage des évêques d’Asie, « Bassianus, dit-il, n’a point été conduit de force à l’église d’Éphèse ; il y est venu de son plein gré, entouré de gladiateurs, d’épées et de flambeaux, et de lui-même il est allé s’asseoir au siège de l’évêque. Cette raison a déterminé le très saint évêque de Rome, Léon, le bienheureux Flavien de Constantinople, l’évêque d’Alexandrie, enfin celui d’Antioche, à le déclarer intrus par violence et à le chasser. Pour cette raison encore, l’empereur Théodose envoya Eustathius, primicier des silenciaires, s’enquérir des faits et de plus juger entre lui et les pauvres qu’il opprimait. » Le reste du discours d’Etienne était, comme son préambule, une invective pleine d’amertume, démentant un à un les dires de l’adversaire et dénaturant les circonstances des faits ; entre ces deux versions contradictoires, les magistrats restaient en suspens. Dans le doute sur la réalité du fond, ils essayèrent de s’attacher à la forme et de constater de quel côté du moins avait été la violation des règles canoniques. « Que Bassianus, dirent-ils, nous montre s’il a été établi évêque d’Éphèse par le concile provincial, ou qu’il nous dise quels sont ceux qui l’ont ordonné. — Olympius, répondit celui-ci ; quant aux autres, je ne sais plus bien qui ils étaient. » Sommé par les magistrats de déposer, Olympius raconta les faits comme nous les avons donnés plus haut : il était seul ordonnateur, et une foule armée l’avait transporté au trône épiscopal, où siégeait déjà Bassianus.

Là-dessus commença une discussion qui montrait combien l’incertitude était grande dans les esprits. « Je ne me rends pas bien compte, dit un évêque d’Asie, Julien de Byza, comment une ordination faite en violation des canons aurait été confirmée par l’archevêque de Constantinople, Proclus, cet homme si rigide et de si sainte mémoire. » Le nom de Proclus en effet pouvait rassurer bien