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au milieu d’un état permanent d’agitation et de complots. Au bout de quatre années d’administration, Bassianus avait perdu son ancienne popularité dans le clergé, et des trames s’ourdissaient de toutes parts pour l’abattre et le supplanter. À la tête d’une des plus puissantes factions figurait le prêtre Étienne, qu’on pouvait appeler le doyen du clergé éphésien, car il en faisait partie depuis cinquante ans. Des troubles provoqués par elle éclatèrent contre l’évêque durant le carême de l’année 448 : c’était une déclaration. de guerre à outrance entre le chef et ses subordonnés ; on ignore à quel sujet. On écrivit de part et d’autre à l’empereur et à l’impératrice Pulchérie, qui se déclarèrent pour Bassianus. À la réception des lettres impériales, le parti victorieux fit éclater une joie immodérée ; on était au jeudi de Pâques, et Bassianus offrit solennellement le sacrifice en actions de grâces de sa victoire ; mais ses ennemis veillaient, le cœur altéré de vengeance. Le sacrifice s’achevait à peine, que ceux qui venaient de recevoir les saints mystères de la main de l’évêque se jetèrent sur lui, et, le dépouillant de son vêtement sacerdotal, le traînèrent dans le baptistère, où ils l’accablèrent de coups. Pendant ce temps, sa demeure était livrée au pillage, on lui enlevait tout ce qu’il possédait en argent et en meubles, et les gens de son service qui essayèrent de défendre lui ou ses frères furent tellement maltraités que plusieurs moururent sur la place. Emprisonné ensuite dans la geôle épiscopale, il y subit entre autres tortures celle de la soif ; on lui refusa jusqu’à quelques gouttes d’eau pour éteindre la fièvre qui le brûlait. Au plus fort de ces horreurs, le prêtre Étienne montait au trône épiscopal revêtu des ornemens de sa victime, et recevait l’ordination de quelques évêques ses complices. La ville accepta le nouvel exarque, comme elle avait accepté l’ancien ; l’orgueil municipal était sauf, puisque le patriarche de Constantinople ne s’était point mêlé de l’élection ; mais l’empereur, informé de tout, envoya sur les lieux un agent du maître des offices, le silenciaire Eustathius, pour ouvrir une enquête et lui adresser le rapport du fait. Eustathius était un homme juste et ami du bien ; toutefois les passions déchaînées firent tant pour lui voiler la vérité, que l’enquête, interrompue et reprise, finit par n’aboutir jamais, et tout restait encore en suspens quand Théodose mourut.

Le changement de prince et la convocation d’un concile universel rendirent l’espérance à Bassianus. Cet homme, jadis si riche et si généreux, errait maintenant de lieu en lieu, accompagné d’un prêtre qui mendiait pour lui, car Étienne avait mis la main sur son patrimoine comme si c’eût été un bien de l’église. Venu à Constantinople, l’évêque dépossédé se présenta au palais de l’empereur avec une requête où il demandait réparation de ces injures : l’empereur le renvoya devant le concile.